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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 février 1845.


Nous assistons depuis trois semaines à un triste spectacle. Un ministère moralement condamné par l’opinion persiste à garder les affaires. Une administration qui n’a pas la majorité nécessaire pour gouverner s’impose au parlement et au pays. Par une conséquence forcée de sa situation, le pouvoir se montre violent et faible. Sa violence éclate par des destitutions ; les débats législatifs attestent son impuissance parlementaire. L’adoption ou le rejet des lois dépendent d’une voix de plus ou de moins dans la chambre des députés, coupée en deux parties égales. On s’assemble, on discute, on vote sans résultat ; il n’y a ni majorité ni minorité ; c’est la négation du gouvernement représentatif. Au dehors des chambres, l’opinion s’inquiète et s’irrite ; on demande un terme à ces expériences dangereuses. Quelle peut être sur la France et sur l’Europe l’action d’un ministère dont l’existence repose sur une illusion ou sur un mensonge, dont l’agitation fébrile ressemble aux convulsions d’un corps d’où la vie s’échappe ? Le ministère attend pour vivre ou pour mourir l’épreuve des fonds secrets. Dieu veuille pour son honneur et sa responsabilité que cette épreuve, si elle le condamne, lui semble décisive ! Il est temps pour tout le monde de sortir d’une situation qui commence à répandre de vives alarmes dans le pays.

Pourquoi le ministère a-t-il destitué M, de Saint-Priest et M. Drouyn de Lhuys ? Les amis de M. Guizot voudraient dissimuler la rigueur de cette mesure en l’attribuant à des convenances administratives ; mais personne ne s’est mépris sur l’intention de M. le ministre des affaires étrangères. Ce n’est pas pour avoir passé plus ou moins de temps loin de son poste que M. de Saint-Priest, ministre plénipotentiaire en Danemark, a été frappé. Si l’honorable pair eût parlé ou voté pour le cabinet, assurément M. Guizot ne l’aurait pas destitué. Quant à M. Drouyn de Lhuys, chef de la direction