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à un an ou moins d’emprisonnement, 841 hommes et 155 femmes : dans ces nombres, chose effrayante, les enfans au-dessous de seize ans, les gamins de Paris, figurent pour 450. Les détentions correctionnelles de plus d’une année doivent être subies dans les maisons centrales. Il y a, communément 250 condamnés de cette catégorie qui attendent leur transfèrement, à moins qu’ils n’aient été autorisés à rester dans les : prisons de Paris par faveur et à charge de se nourrir à leurs frais. Les prisonniers criminels, détenus également dans l’attente de leur translation, sont au nombre moyen de 72. En résumé, 42,000 à 44,000 individus entrent annuellement dans les prisons de Paris ; un nombre à peu près égal en sort par acquittement, par libération, par remise de peine, par translation, par évasion, par évasion, ce roulement retient d’ordinaire sous les verroux 3,000 à 4,000 personnes. En 1842, le nombre des journées de présence a été de 1,344,442 et la dépense totale de 1,279,909 fr. Les condamnés d’origine parisienne se trouvent en outre au nombre d’au moins 1,200 dans les dépôts de mendicité de Saint-Denis et de Villers-Cotterets, au nombre de 1,258 dans les diverses maisons centrales de détention, au nombre d’environ 500 dans les bagnes.

Il faut, malgré notre répugnance, compléter par un dernier trait le lugubre tableau des misères et des infirmités de la grande ville. Le nombre des aliénés du département de la Seine a été porté, par la dernière évaluation, à 3,685. Plus des deux tiers de ces malheureux, appartenant aux classes nécessiteuses, doivent être enfermés dans les hôpitaux, où leur entretien retombe à la charge du public. La dépense annuelle de chaque aliéné indigent est de 545 francs, et 885,404 journées de présence en 181 ont occasionné un sacrifice total de 1,328,106 francs.

L’impression que laisse cette revue rapide de la population parisienne est, ce nous semble, mélangée d’inquiétude. Évidemment, la capitale de la France tend à devenir, comme Londres, un immense marché d’affaires, une monstrueuse agglomération d’hommes : les abus de la centralisation administrative, la convergence de tous les chemins de fer vers la métropole, la domination intellectuelle de la Presse et des tribunes parisiennes, l’attraction du luxe et de la mode, hâteront de plus en plus ce résultat. Tout ce qui ressemblait jadis à Un accroissement de population était, pour nos pères, un gage de prospérité publique. Le temps de cette philanthropie naïve est passé. Chacun sait aujourd’hui que la force d’une nation réside moins dans le nombre que dans la vigueur physique, dans l’énergie morale de