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provisoires, et que la réédification de toute la cathédrale avait été ou ajournée ou poursuivie avec beaucoup de lenteur et d’hésitation.

Sous le successeur de Simon, au contraire, de meilleurs jours commencent à luire pour l’évêché de Noyon. La perte de Tournay n’est pas réparée, mais les vertus du nouveau prélat, Beaudoin II, son activité prévoyante, son administration calme, énergique et régulière, ont bientôt fait disparaître les désordres que les continuelles absences de Simon avaient encouragés. Honoré de la faveur de Suger, de l’amitié de saint Bernard, Beaudoin cherchait à prendre ces deux grands hommes pour modèles. Or, la construction des églises fut, comme on sait, une des grandes occupations de leur vie. N’est-il donc pas probable que Beaudoin, après avoir rétabli l’ordre dans son diocèse, dut se consacrer avec ardeur à la réédification de son église ? Un fait, que Levasseur a probablement puisé dans les archives capitulaires, et qu’il cite en passant sans y attacher d’importance, vient à l’appui de cette conjecture. Levasseur nous dit qu’en 1153 l’évêque Beaudoin confirma les autels de la cathédrale, et plus loin il ajoute que, par l’ordre du même Beaudoin, le corps du bienheureux saint Éloi (le patron, le saint tutélaire de Noyon) fut transféré dans une nouvelle châsse et exposé à la piété des fidèles.

Qu’était-ce que cette confirmation des autels ? S’agissait-il d’une consécration de chapelles nouvellement reconstruites ? n’était-ce pas plutôt une déclaration solennelle par laquelle l’évêque annonçait que, dans la nouvelle cathédrale, les anciens autels seraient maintenus, resteraient sous l’invocation des mêmes patrons, et conserveraient leurs privilèges et leurs revenus. Cette déclaration n’était-elle pas une sorte d’appel à la dévotion, et surtout à la générosité des fidèles ? Accoutumés à s’agenouiller de préférence devant certains autels, ils avaient besoin d’être assurés que, s’ils s’imposaient des sacrifices pour faire sortir la cathédrale de ses ruines, ils y retrouveraient encore les objets de leur culte et de leur prédilection. Quant à la chasse nouvelle pour les reliques de saint Éloi, n’était-ce pas encore un moyen de faire pleuvoir les offrandes et de se préparer des ressources pour le grand œuvre qu’il s’agissait d’entreprendre ? Enfin, si l’on se rappelle qu’un an avant cette confirmation des autels, la ville avait été ravagée par un nouvel incendie, n’y a-t-il pas lieu de supposer que les populations, frappées de terreur, durent attribuer le retour de ce fléau à l’état l’abandon où le temple à demi détruit était resté depuis vingt ans, que la nécessité de le relever devint plus pressante que jamais, et que l’évêque et son chapitre durent saisir cette occasion d’exalter plus vivement encore les esprits par le spectacle de cérémonies pieuses.