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rôle, et les chances qu’il lui préparait lorsque le conflit viendrait à s’élever entre le droit dynastique et la souveraineté populaire. Sous François II et sous Charles IX, la maison de Lorraine n’avait aspiré qu’à gouverner l’état en dominant le monarque ; sous Henri III, elle espéra davantage, et on la vit s’élever à la hauteur de sa nouvelle fortune. Cette maison n’aspira pas d’abord à expulser Henri de Valois d’un trône où son abaissement même préparait après lui un accès plus facile ; elle ne désirait pas précipiter la crise, tant elle la jugeait inévitable. C’est le propre des révolutions de ne laisser à personne la puissance de conduire les évènemens, et d’amener des dénouemens rapides autant qu’imprévus. Au lieu d’une guerre de succession contre un prétendant huguenot, à la mort de Henri III, le duc de Guise se trouva conduit à engager contre son roi une lutte immédiate ; il dut combattre pour lui arracher le sceptre de la main, au lieu de s’emparer après lui d’une couronne en déshérence. S’il est des temps où l’ambition du trône peut être patiente et où il lui est donné de ne rien risquer, il en est d’autres où il faut qu’elle sache marcher tête levée et jouer les grosses parties. Le Balafré accepta tous les périls et toutes les conditions de son grand rôle. Il parvint, par la signature de la sainte ligue, à grouper autour de sa personne toutes les forces des catholiques, en associant ses destinées à leurs plus chères espérances ; puis, lorsqu’il se vit dépassé par un événement dont il n’avait pas mesuré toute la portée, il n’hésita pas, pour conserver le vent de la faveur populaire, à substituer l’audace du factieux à la prudence du chef de parti, et la France le vit à la journée des barricades pénétrer dans le Louvre, et faire évanouir par son regard dominateur les desseins mal concertés d’une royauté hésitante.

Pendant que le fils de François de Guise héritait de la gloire et du rang de son père, les réformés voyaient grandir loin de la cour un jeune prince auquel les rattachaient les souvenirs de sa mère, et qui par son droit héréditaire paraissait appelé à rétablir un jour l’équilibre entre la faiblesse numérique des protestans et la puissance des catholiques. Henri de Béarn et Henri de Guise, deux princes du même âge, représentaient les deux idées de leur siècle ; c’était entre eux que l’avenir semblait avoir à prononcer.

Nous verrons disparaître promptement de la scène le duc de Guise assassiné, tandis que le roi de Navarre va l’occuper bientôt tout entière. Puis après nous verrons celui-ci se séparer de son propre parti pour devenir roi d’une transaction en abdiquant avec éclat la pensée