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d’ailleurs, selon l’aveu d’un des plus impitoyables conseillers de ce grand crime[1], qu’il fallait opter entre le Châtillon et la reine, se séparer à jamais de sa mère, ou sacrifier avec l’amiral tous ceux qui aspiraient à le venger. Alors, par une péripétie terrible, cet esprit faible et malade s’élança d’un seul bond jusqu’aux dernières extrémités de la violence. Incapable de résister à l’ivresse du sang, Charles eut à peine consenti à le laisser répandre, qu’il s’y plongea jusqu’aux coudes.

Alors sonna la cloche funèbre qui a marqué ce jour d’un caractère ineffaçable. Il est demeuré unique dans nos annales jusqu’à ce que le 2 septembre ait associé à ce sanglant souvenir celui de ses horreurs nouvelles. Ces deux massacres furent inspirés par une même pensée l’un était destiné à séparer à jamais la royauté du parti protestant ; l’autre eut pour but et pour résultat de séparer à jamais la révolution du parti modéré, qui aspirait à arrêter son char lancé vers les abîmes. Toutefois, s’il fallait pousser jusqu’au bout le parallèle, Danton resterait bien supérieur à Catherine : l’un eut au moins toute l’énergie et, s’il est permis de le dire, tout le profit de son crime ; l’autre s’arrêta court, hésitante et indécise, dans la voie où elle était entrée. De tous les grands attentats de l’histoire, il n’en est pas de plus stérile que la Saint-Barthélemy ; il n’en est pas qui ait plus infructueusement déshonoré ses auteurs. Désavoué le lendemain, puis repris pendant quelques jours pour être abandonné de nouveau, le projet d’un massacre général des protestans n’aboutit qu’à des assassinats nombreux sans aucune efficacité politique. Le roi était sans armée, et restait, après s’être fait haïr, incapable de se faire craindre. Un grand nombre de gouverneurs se refusèrent à seconder les vues de la cour, manifestées par des ordres contradictoires. Les fugitifs ne furent jamais poursuivis ; aucune disposition ne fut prise pour les empêcher de se réunir dans les provinces, où ils firent à loisir les préparatifs d’une nouvelle campagne.

L’issue de celle-ci releva toutes leurs espérances, et les laissa plus forts avec le souvenir d’une mortelle injure à venger. Après avoir résisté dans la Rochelle à toutes les forces du duc d’Anjou, les réformés allaient contraindre ce prince à lever honteusement le siège, lorsque son élection à la couronne de Pologne parut en fournir un prétexte plausible. Le traité signé avec les Rochellois victorieux contint pour tout le parti protestant les stipulations les plus favorables, et organisa

  1. Le maréchal de Tavannes.