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de son siècle fut condamnée à des manœuvres stériles entre des partis énergiques et convaincus. On la vit dépenser dans une poursuite vaine une souplesse sans égale et une fécondité d’esprit incomparable. C’est qu’il est des temps où l’on ne peut agir qu’en résumant en soi les forces vives qui les dominent. La nature avait créé Catherine incapable d’un tel rôle. Un jour, lassée de ses tentatives inutiles, elle voulut jouer ce rôle de sang-froid, en suppléant par un affreux calcul de l’esprit à la passion dont elle était dépourvue ; c’est pour cela surtout que la mémoire de Catherine restera maudite dans la postérité, et qu’au souvenir de la Saint-Barthélemy elle ne pourra pas même opposer l’horrible excuse qui ne manque pas toujours aux bourreaux, et que Dieu pèse dans sa justice.

Il est difficile d’éclaircir, d’après des témoignages contemporains, les motifs véritables des diverses prises d’armes qui vinrent, en moins de dix années, interrompre le cours de cette paix si laborieusement préparée par la régente, et qui la fuyait toujours comme une ombre insaisissable. Les violences commises à Vassy en 1562 par l’escorte du duc de Guise, la querelle survenue au souper de la reine, en 1567, entre le prince de Condé et le duc d’Anjou pour la lieutenance générale du royaume, enfin le projet attribué l’année suivante à la cour de faire enlever les deux chefs des réformés pendant qu’ils profitaient dans leurs terres du bénéfice de la seconde paix ; ces évènemens précipitèrent peut-être les résolutions décisives, comme le veulent les historiens, mais il y aurait à coup sûr bien peu de clairvoyance à les regarder comme les causes mêmes de la guerre. Ces causes étaient plus générales et plus profondes ; elles gisaient en quelque sorte dans l’air embrasé que respiraient les partis. Jamais les édits de pacification n’avaient reçu d’exécution sérieuse. D’un côté, les protestans s’efforçaient d’en étendre les dispositions en prêchant hors des limites où l’exercice de leur culte était strictement confiné ; de l’autre, les catholiques employaient la violence pour empêcher, dans les lieux où ils se trouvaient les plus forts, ce qu’ils considéraient comme un scandale. Les provocations succédaient aux provocations, et le sang coulait impunément chaque jour sur tous les points du royaume. Lorsqu’une cause morale domine à ce point les évènemens, il n’est pas d’étude plus stérile que celle d’en démêler l’origine accidentelle.

En se développant dans leur cours irrésistible, ceux-ci apprirent bientôt à Catherine qu’il fallait, malgré les leçons du Prince, renoncer à la pensée de battre l’un des partis par la main de l’autre, et à l’espoir de terminer cette grande lutte par quelques meurtres particuliers. La