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après l’incendie ? s’est-il, au contraire, écoulé un intervalle plus ou moins long avant qu’on se soit mis à l’œuvre ?

Sans pouvoir déterminer en quelle année commencèrent les travaux, nous ne pensons pas que la reconstruction ait été immédiate. D’abord, au moment du désastre, les finances de l’évêché ne devaient plus être florissantes. L’évêque Simon se livrait depuis sept ans avec un grand zèle à la fondation de la célèbre abbaye d’Ourscamp. Cette œuvre pieuse avait épuisé toutes ses ressources. Il est vrai qu’à la nouvelle de l’incendie, le pape vint, comme on l’a vu, au secours de l’évêque en écrivant la lettre que nous avons rapportée ; mais rien ne prouve que les évêques de Rouen et de Sens aient répondu avec beaucoup d’enthousiasme à la provocation du saint père. Il serait même possible que, pour complaire au pape lui-même, leur zèle se fût bientôt refroidi, car on voit, quelques années après, notre évêque encourir les censures de la cour de Rome pour avoir favorisé le divorce de son frère Raoul, comte de Vermandois. Cette disgrace dura long-temps et eut de fatales conséquences pour l’évêché de Noyon, car elle lui fit perdre l’espèce de suzeraineté qu’il exerçait sur le siège de Tournay. La réunion de ces deux évêchés s’était maintenue depuis plusieurs siècles, au grand désespoir des chanoines flamands ; l’évêque, en effet, résidait presque toujours à Noyon, et malgré l’apparente égalité des deux siéges, celui que n’occupait pas l’évêque était réellement soumis à l’autre. Profitant des mauvaises dispositions du pape à l’égard de Simon, les chanoines de Tournay obtinrent une bulle qui prononçait la séparation des deux siéges, et donnait à Tournay un évêque propre. De ce moment, ce n’est plus ni la fondation d’Ourscamp, ni le désastre de sa cathédrale, c’est la perte d’une de ses deux crosses qui devient la première affaire de l’évêque de Noyon. Nous le voyons aller à Rome pour tacher de fléchir le saint père, puis, n’ayant pas réussi, venir implorer l’assistance de son cousin le roi Louis VII ; mais ce prince allait bientôt se brouiller lui-même avec la papauté : Simon, se liant étroitement à la personne et à la fortune de son royal parent, le suivit à la croisade, et mourut pendant l’expédition, à Seleucie, l’an 1148.

Il y avait dix-sept ans que la cathédrale avait été incendiée, et, selon toute apparence, on n’avait pas encore pu s’occuper sérieusement de sa reconstruction. Peut-être avait-on réparé, pour abriter le culte, les parties les moins endommagées de l’édifice, mais sous un épiscopat aussi agité, au milieu de circonstances aussi défavorables, il est plus que probable que le chapitre avait dû se borner à de simples travaux