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paix obstinément poursuivies pendant le cours de sa carrière le rendirent presque étranger à la génération belliqueuse au milieu de laquelle il était condamné à vivre. Il est aussi dangereux de devancer son époque que de ne pas marcher avec elle, et dans les affaires les presbytes sont aussi impuissans que les myopes. Entre Coligny et le cardinal de Lorraine, le célèbre chancelier ne pouvait manquer d’être effacé et n’était appelé à laisser dans l’histoire que le stérile souvenir de ses bonnes intentions. L’édit de Romorantin, l’édit d’Orléans, toutes les mesures de pacification successivement essayées de 1560, à 1572 avaient un défaut capital, c’est de n’être sincèrement acceptées d’aucun des deux partis. Aux yeux des huguenots comme à ceux des catholiques, les mesures déterminées par les chances de la guerre, et variables comme ces chances elles-mêmes, étaient plutôt des armistices que des actes permanens placés sous l’inviolable garantie de la foi jurée. Il serait d’ailleurs impossible de signaler, même dans les ordonnances les plus favorables aux religionnaires rendues sous le règne de Charles IX, aucune disposition qui impliquât la conquête du principe de la liberté de conscience telle qu’elle a été plus tard comprise et entendue. Si la libre pratique de leur culte était accordée aux protestans, c’était seulement dans les domaines des seigneurs possédant haute justice, ou bien encore dans l’enceinte de quelques villes déterminées, en exceptant toujours, par une disposition formelle, la résidence royale et spécialement la vicomté de Paris. Jamais le tiers-parti ne tenta davantage, même par l’édit de janvier, le premier pas du chancelier dans une route qui devait être marquée pour lui par tant de déceptions. Nous verrons bientôt dans quel sens se modifia sous Henri III l’esprit de ces conventions, devenues plus tard de véritables traités passés avec l’ennemi au même titre qu’avec l’étranger, selon la fortune des armes.

Les mesures conciliatrices de L’Hospital vinrent se briser contre d’invincibles résistances. Le peuple voyait un hérétique dans le magistrat qui se refusait à partager ses haines, et s’écriait dans ses suspicions outrageantes : Dieu nous garde de la messe du chancelier[1]. Les parlemens résistaient à ses édits et ne consentaient à les enregistrer que sur des lettres de jussion et après des protestations éclatantes. Cette résistance était plus vive encore au sein des corporations municipales placées par leur constitution même hors de l’action d’un gouvernement désarmé, et qui, délibérant comme des corps souverains dans

  1. Histoire de Charles IX, par Varillas, liv. II.