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pétulante et de l’irrésistible entraînement vers la gloire et vers le plaisir qui caractérisèrent la plupart des souverains issus de cette race brave et frivole. Une étrangère était appelée à soutenir le pouvoir chancelant au milieu des ambitions qui s’apprêtaient à le dévorer. Catherine de Médicis avait été nourrie dans les pratiques de ces petits états de l’Italie, pour lesquels la trahison et le meurtre étaient devenus des moyens réguliers de gouvernement. Les odieuses théories émises pour les justifier, les élégances d’une vie raffinée, plus corrompue par l’esprit que par les sens, tous ces enseignemens et tous ces exemples avaient pénétré avec la Florentine dans la demeure de nos rois. Jamais influences pestilentielles n’altérèrent d’une manière plus rapide et plus prompte la pureté du caractère national. La France avait vu long-temps le sang couler dans sa capitale et jusque sur les marches du trône ; mais, avant cette époque, le crime avait toujours parmi nous gardé son nom : il n’avait jamais été travesti en maxime d’état, en système de politique journalière. Si les passions de nos pères étaient ardentes, quelquefois impitoyables, elles n’appelaient pas à leur aide la dague et les maléfices, les drogues des empoisonneuses et l’art des nécromanciens. Ce fut à l’Italie du XVe siècle que la France dut tout cela, et, dans ce triste commerce, elle troque presque toutes ses vertus contre les vices qui allaient le moins à sa nature et à son génie.

Il faut avoir cette considération toujours présente à l’esprit pour comprendre la physionomie de la France dans la seconde moitié du XVIe siècle. Les trahisons, les meurtres et les guet-apens de cour, les doctrines homicides qui se répandirent dans la nation et que la chaire chrétienne accueillit trop souvent, tout ce dévergondage d’action et de parole, toute cette corruption de l’intelligence, la seule qui ne soit pas sans remède, émanait de l’Italie comme d’une sentine ouverte sur l’Europe. La ligue aurait été la plus admirable, et l’on peut dire la plus sublime des manifestations populaires, si à la pensée religieuse qui animait les masses pour la conservation de leur foi nationale, ne s’étaient jointes des inspirations plus calculées, et si le génie florentin n’avait déteint sur les chefs de ce grand mouvement tout autant que sur leurs adversaires. Machiavel a exercé sur les contemporains de Catherine de Médicis une action aussi universelle que celle de Voltaire sur la génération qui l’a suivi. L’un faussa le mouvement religieux de 1590, comme l’autre a détourné de sa direction naturelle la révolution politique de 1789. Il en est presque constamment ainsi dans l’histoire : le présent y porte toujours le poids des