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transition, période qui finit par se confondre, vers les premières années du XIIIe siècle, avec l’âge du style à ogive proprement dit. Pendant cet intervalle, le plein cintre ne disparaît pas encore de la scène : on le voit même parfois lutter avec vigueur et jeter un dernier éclat, comme sur la tour méridionale de la cathédrale de Sens, bâtie en 1283 ; et quant à l’architecture à ogive, quoique déjà parvenue au terme de sa croissance, elle n’est pas encore en possession de tous ses moyens : d’effet, elle n’a pas complètement le secret de son propre génie, sa légèreté est encore un peu robuste, et ses voûtes ont beau s’élancer vers le ciel, on croit y voir planer encore, comme à Saint-Yved de Braisne, je ne sais quel souvenir de plein cintre qui les rabaisse vers la terre. En un mot, quoique le but soit bien proche, il n’est pas atteint ; c’est encore l’époque de transition, c’est-à-dire la préparation à quelque chose de plus pur et de plus parfait.

Telles sont les seules données générales qu’il nous soit permis de hasarder au sujet de ce problème chronologique que nous avons en commençant déclaré presque insoluble, et qui en effet résisterait certainement, quant à présent du moins, à toute solution plus nette et plus précise. En ne donnant pas aux divisions que nous proposons un sens trop absolu, et surtout en ne sortant pas de cette partie du sol de la France que nous avons pris soin de circonscrire, nous croyons difficile qu’en nous suivant on risque de beaucoup s’égarer.


VIII

Appliquons maintenant ces données à l’église Notre-Dame de Noyon.

Ne devient-il pas d’abord évident, ainsi que nous l’avons déclaré avec Guillaume de Nangis, que l’incendie de 1131 a dû détruire l’église de fond en comble, ou du moins qu’il a rendu nécessaire sa complète reconstruction ? Quelle que soit la part que le plein cintre conserve dans l’église actuelle, bien que cette part semble presque égale à celle de l’ogive, il n’en est pas moins vrai que l’ogive y règne à peu près en souveraine, et que le monument tout entier est conçu sous l’influence et dans l’esprit du système à ogive. Or, nous savons maintenant jusqu’à quel point il serait chimérique de supposer qu’un tel monument ait pu exister avant 1131.

Reste à savoir, ce qui est beaucoup plus difficile, à quel moment a dû s’effectuer la reconstruction : a-t-elle été entreprise immédiatement