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et d’Estramadure en obtiennent un si bas prix, qu’il est presque inutile d’en parler. Souvent on manque de blé en Espagne même, en Andalousie ou dans quelque autre province maritime ; la Galice et les autres provinces qui, par les fleuves portugais et par mer, pourraient, à peu de frais et en peu de temps, venir à leur secours, n’en gardent pas moins leurs grains, tant, par l’intérieur de l’Espagne, les communications sont difficiles et conteuses ! L’Estramadure et la Galice regorgent de blés, dont elles ne savent que faire, quand l’Andalousie en demande au reste de l’Europe, quelquefois même au Maroc et aux autres pays du continent africain.

Que le Portugal perde autant que l’Espagne, et plus encore, s’il est possible, à la séparation commerciale, cela ne peut être l’objet du moindre doute. Si bien cultivé que soit un jour le Portugal, si florissante qu’y doive être l’industrie, un pays, si resserré en définitive, qui peut avoir de si nombreux débouchés, ne saurait craindre que la concurrence de l’Espagne, s’exerçant par ses fleuves et par ses ports, lui cause jamais le moindre préjudice. Il suffirait de l’inégalité qu’établiraient, au détriment des marchandises espagnoles, les droits d’introduction et de transit, pour assurer, et bien au-delà, le complet écoulement des produits portugais. Il suffirait de ces droits pour ramener dans le pays la richesse numéraire, qui en a depuis si long-temps disparu, pour relever peut-être le trésor public, quand l’Espagne aura repris enfin son rang parmi les grandes nations commerçantes. Ce n’est pas tout qu’est-ce qui empêcherait la race portugaise, si heureusement douée, si active, qui aujourd’hui se débat dans de stériles agitations politiques, de faire elle-même, entre l’Espagne et les autres nations, ce commerce de facteurs, par lequel ses ancêtres ont acquis autrefois une si grande opulence ? Ajoutez qu’entre l’Espagne et le Portugal, on pourrait aisément établir le commerce d’échange, quoi qu’en disent les marchands d’Angleterre. L’Alemtejo, qui n’a pas de blés, possède d’excellens vignobles ; l’Estramadure n’a pas de vins, et l’on sait combien les grains y abondent, combien surtout, dans des temps meilleurs, ils y doivent abonder. Or, c’est une ligne de raison qui sépare l’Alemtejo de l’Estramadure ; entre les deux provinces, l’échange se pourrait faire de la main à la main. En favorisant un seul produit portugais, l’Espagne obtiendrait un placement assuré pour une partie des cotons de Catalogne. Tout cet avenir commercial ne vaudrait-il pas mieux, pour la plus faible des deux nations péninsulaires, que de s’épuiser à recevoir les cotons d’Angleterre et à désoler l’Espagne par la contrebande ? A la frontière de Portugal, la contrebande est aussi active qu’à la ligne de Gibraltar ; mais, dans les deux pays, en définitive, elle n’enrichit que le rebut des populations.

Pour l’Espagne et le Portugal, il y a de si grands avantages à l’union commerciale, que la commission diplomatique dont M. Olozaga était le président eut sur-le-champ à cœur, sinon de la consommer, au moins de la rendre un jour possible. La commission prit prétexte de la vieille convention qui, en Portugal, accordait des juges spéciaux aux sujets de l’Espagne. Cette convention, qui réellement porte atteinte à l’indépendance portugaise,