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que l’on s’adressât au consul de sa majesté catholique à Paris. Pourtant, après la guerre civile, l’Espagne constitutionnelle comprit qu’il se fallait absolument départir d’une si absurde indifférence ; les jeunes hommes qui, durant les dernières agitations, s’étaient produits en politique se hâtèrent de prendre l’initiative ; une commission, dont le célèbre M. Olozaga était le président, fut chargée d’examiner les rapports diplomatiques avec le Portugal, et d’aviser aux moyens d’améliorer la situation.

Déjà, il faut se hâter de le dire, le gouvernement d’Espartero avait conclu avec le cabinet de Lisbonne un traité stipulant la navigation du Duero, ce fameux traité qui, sous le dernier ministère de M. de Bomfim, suscita presque une guerre entre les deux nations. On doit se souvenir que, si M. de Bomfim résista au comte-duc, qui le sommait d’exécuter immédiatement les conventions, c’est que ces conventions n’avaient point reçu encore la sanction des cortès portugaises. Le traité finit par être mis à exécution, mais en Portugal il redoubla pour ainsi dire les séculaires répugnances contre l’Espagne, grace au ton hautain que, dès le principe, le gouvernement du comte-duc jugea convenable de prendre vis-à-vis du gouvernement de doña Maria. Le Portugal demeura profondément blessé dle cette ironie menaçante de M. Ferrer, ministre des affaires étrangères d’Espartero, qui priait le cabinet de.Lisbonne de ne point forcer l’Espagne à faire une conquête sans gloire. Aussi, quand il fut question d’arrêter les règlemens stipulés par le traité, le Portugal, l’intervention de l’Angleterre aidant, supprima-t-il pour ainsi dire le traité même. En vain le Duero, rendu navigable, fut-il ouvert aux produits et aux marchandises de l’Espagne : le Portugal exigea non-seulement un droit d’introduction, mais un droit de consommation à Porto et sur toute la ligne, condition intolérable qui replace les choses exactement au point où elles se trouvaient avant même qu’on songeât à ce fameux projet de navigation.

Encore une fois, cependant, une pareille situation ne peut être acceptée par l’Espagne, et le Portugal est intéressé, autant pour le moins que l’Espagne elle-même, à ce qu’elle ne soit point maintenue. Tronquée sur la frontière de Portugal, la péninsule espagnole perd ses fleuves précisément au moment où ils deviennent navigables ; ces fleuves prennent leur source dans les quatre provinces les plus arriérées de l’Espagne au point de vue industriel et commercial. C’est par les seuls fleuves portugais que toutes les quatre peuvent écouler au dehors leurs denrées et leurs marchandises la Galice et l’Estramadure par la Guadiana, qui aboutit à Beira ; les deux Castilles par le Duero et le Tage, qui mènent, l’un à Porto, l’autre à Lisbonne. Un seul fait montrera combien sont désastreuses les conséquences de cet isolement. Tous les ans, les provinces espagnoles voisines du Portugal produisent bien plus qu’il n’est nécessaire pour les besoins de leur population. Eh bien ! de cet excédant de production, qui tous les ans est fort considérable, malgré l’état de décadence où l’agriculture est tombée en Espagne, on ne retire, à vrai dire, aucun profit ; réduits à vendre leurs grains sur les lieux mêmes, — si toutefois ils les peuvent vendre, — les agriculteurs de Galice