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pays en état de supporter ses nouvelles obligations. M. da Costa-Cabral pourrait-il dire par quels progrès matériels se compensent les lourdes charges qu’on vient d’imposer au Portugal ? Ici, vous avez beau regarder autour de vous, de Lisbonne à Portalègre, il vous sera impossible de rien découvrir. En ce moment, il est vrai, les cortès discutent une loi qui fondera l’unité des poids et mesures ; c’est la seule amélioration positive dont le pays soit redevable à M. da Costa-Cabral. Les journaux du cabinet portugais ont fait sonner bien haut, tout récemment, le projet d’un chemin de fer qu’une compagnie anglaise avait offert de construire, et l’institution des caisses d’épargne à Lisbonne, à Braga, à Porto. Du chemin de fer il n’est plus question déjà, les dernières fluctuations du crédit ont amorti soudainement lotis les courages ; et quant aux caisses d’épargne, il faut bien constater qu’avant M. da Costa-Cabral elles subsistaient dans les trois villes à l’état d’indépendance. Le gouvernement s’est borné à les constituer en monopole. En livrant ce monopole à la fameuse compagnie de la Confiança nacional, il a déclaré que les sommes déposées dans les caisses ne pourraient être saisies on craint fort qu’en définitive il n’ait ouvert, pour les jours de crise, un asile aux agioteurs maltraités par la hausse ou la baisse, qui à tout prix chercheraient à conserver leurs fonds.

Il y a quelques mois, nous devons le dire, ministres, députés, pairs du royaume, membres de la majorité ou de la coalition, tous les hommes de quelque valeur et de quelque influence, voulaient un instant faire trêve aux petites querelles de personnes, pour doter leur pays d’un système complet de routes et de grandes voies de communication. Tout le monde comprenait enfin combien il est honteux pour un pays européen que dans chacune de ses provinces, même en plaine, on ne puisse voyager qu’à pied ou à dos de mulet, ni plus ni moins qu’au cœur du Maroc. Un négociant portugais, qui, en France et en Angleterre, s’était pris d’enthousiasme pour les grandes entreprises de travaux publics, conseillait d’établir un impôt dont le produit fût consacré à construire les routes, se faisant fort de réaliser un emprunt ; dès les premiers jours, cet emprunt aurait permis d’employer les fonds qui devaient résulter de l’impôt. Notre spéculateur soumit ses plans à M. le duc de Palmella, qui aussitôt convoqua une sorte de commission, où vinrent siéger les capitalistes et les chefs de tous les partis. La commission adopta le projet d’impôt, mais elle se prononça énergiquement contre l’emprunt, ne voulant point exposer aux mille chances de l’agiotage une entreprise où la fortune du pays se trouvait tout entière engagée. Plus tard, le gouvernement lui-même adopta le projet ainsi modifié, et comme, de part et d’autre, on s’accordait à ne voir en ceci rien de politique, la loi des routes fut votée par les chambres à la presque unanimité. Malheureusement, vers la fin de la discussion, à un moment où l’esprit de défiance envers le cabinet régnait sur tous les bancs des cortès, l’opposition fit voter un amendement par lequel la levée comme l’emploi de l’impôt fut placée sous la surveillance des juntes de district ou des conseils généraux, ce qui à l’instant, bien que ces