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toujours avec la même confiance en ses ressources, toujours avec la même solennité, et toujours pour aboutir au déficit.

Mais laissons à l’avenir le soin de montrer si M. da Costa-Cabral se prépare ou non un nouveau mécompte, et bornons-nous à examiner les conditions de l’emprunt. En vérité, si c’est la Confiança national qui a stipulé ces conditions, on peut affirmer qu’elle a traité le gouvernement en vrai fils de famille anticipant sur son patrimoine : il n’en est pas une qui ne doive rapporter aux capitalistes des profits hors de toute proportion avec les chances défavorables qu’ils peuvent courir. Parlons mieux, ces chances même sont tout-à-fait nulles : la compagnie, ne livrant que par annuités les 4,000 contos à l’état, n’aura d’autre peine que de verser dans les caisses du trésor l’argent que lui rapportera l’exploitation de son monopole, ses bénéfices exceptés, cela va sans dire, et ces bénéfices doivent, dit-on, atteindre un chiffre énorme. On calcule, d’une façon approximative, que, sur la seule exploitation des tabacs, le trésor perd au nouvel arrangement une rente annuelle de 100 contos ou de 600 mille francs environ. Ce n’est pas tout, le gouvernement abandonne complètement les salpêtres à la compagnie, il les lui abandonne dans les colonies comme dans la métropole ; il ne s’en est pas même réservé la quantité nécessaire pour les services publics. Or, de cette seule exploitation des salpêtres, jusqu’ici négligée comme toutes les autres, la Confiança national retirera un profit immense, incalculable, pour peu qu’elle sache, et il ne lui sera point très difficile d’y parvenir, retrouver les anciens débouchés, ceux qui subsistaient à l’époque où les seuls salpêtres ne rapportaient pas moins de 400 contos (2 millions 400 mille francs) ! Ce n’est pas tout encore : avant de livrer les premiers fonds, la compagnie a retenu, sur la somme entière qu’elle est tenue d’avancer, 300 contos, ou 1 million 800 mille francs, pour amortir une partie de l’emprunt et garantir le paiement des intérêts : il en est résulté un si grave embarras, que le gouvernement a été contraint de forcer immédiatement certaines contributions pour leur faire rendre au moins ces 300 contos. Enfin, et ici nous retrouvons les griefs élevés par la coalition, au point de vue des idées constitutionnelles, la Confiança, pour s’assurer la seule exploitation des produits que le gouvernement lui abandonne, a exigé que l’on élevât toutes les peines par lesquelles on essayait déjà de réprimer la contrebande ; elle a exigé que des juges spéciaux, nommés par elle-même, fussent chargés de prononcer ces peines ; elle a exigé l’autorisation de prendre un grand nombre de mesures préventives, et d’opérer de rigoureuses perquisitions qui ne peuvent manquer d’exaspérer les classes laborieuses. On n’en doutera point, si l’on songe qu’en bien des provinces, la fabrication des savons, livrés aussi à la Confiança national comme les tabacs et les salpêtres, est devenue, en dépit du monopole, une industrie si populaire et çà et là si florissante, que ce monopole a été vingt fois sur le point d’être aboli par les cortès.

En résumé, si M. da Costa-Cabral est pour quelque temps en mesure,