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qu’un parti fort médiocre des richesses naturelles, sont de toute nécessité vaines et dangereuses les bizarres et au premier aspect si décevantes évolutions du crédit. En Portugal, l’histoire des finances se divise en deux parties bien distinctes : la première est renfermée entre l’année où la reine remonta sur son trône et celle où fut abolie la charte ; quant à la seconde phase, elle comprend toutes les années écoulées de 1836 à 1845. Les opérations financières qui ont précédé la restauration de doña Maria ne nous intéressent aujourd’hui que d’une façon très peu sensible : sous dom Miguel, le Portugal vivait à l’état de banqueroute, et assurément ce n’est point la moindre des causes qui ont entraîné la chute de l’infant. Le régime libéral se peut vendre ce témoignage, que du moment où il a été rétabli, il a immédiatement essayé de réparer les injustices du régime absolu ; par malheur, dès les premiers temps, il s’est engagé en des voies si fausses, que ses efforts pour remédier au malaise n’ont guère abouti qu’à l’empirer.

En 1834, les financiers officiels de Lisbonne avaient une telle confiance dans les ressources et l’avenir du crédit, qu’on en donnerait une idée à peine, si on la comparait à celle que, sous la régence, le système de Law inspira aux capitalistes français. Le gouvernement vécut du crédit, tant que cela lui fut possible, sans reculer devant les abus les plus naïfs, devant les plus folles exagérations. C’était alors une maxime presque reçue, qu’à toute force on pouvait se passer de l’impôt ; on contractait emprunts sur emprunts, on en contractait pour le seul plaisir d’en contracter, on en contractait pour payer les intérêts de ceux que l’on avait déjà souscrits. Lisbonne, éblouie, s’émerveillait et se récriait d’aise quand arrivait l’argent anglais ou français ; mais l’argent étranger disparaissait en un clin-d’œil, comme les marées qui, un instant, blanchissent d’écume les galets de Cintra, et Lisbonne retombait en des inquiétudes mortelles que le gouvernement ou du moins le ministère, s’il tenait à vivre, devait aussitôt se mettre en devoir.d’apaiser. À ces momens difficiles, un simple employé du trésor, aujourd’hui ministre des affaires étrangères, M. Gomes de Castro, était le seul roi, le vrai dictateur de la situation politique et financière ; M. Gomes de Castro s’embarquait pour Londres : à force de démarches et de persévérance, au prix des puis coûteux sacrifices, il parvenait à découvrir un nouveau filon dans cette mine de l’emprunt, où l’on creuse de si profonds abîmes ; l’opération terminée, l’infatigable négociateur rentrait à Lisbonne, où sa présence excitait les mêmes transports que si, nouveau dom Joâo de Castro, il avait découvert des continens et des archipels ; l’humble paquebot où il venait de faire sa traversée était salué par des acclamations unanimes comme s’il eût été le vaisseau-amiral d’une flotte apportant aux rois du XVIe siècle les trésors du Brésil ou de Macao.

D’emprunts en emprunts, de joies trompeuses en réels mécomptes, on arriva jusqu’à l’époque où fut abolie la charte. Jetons un voile sur toute la révolutionnaire, de 1836 à janvier 1842, pendant laquelle il n’était guère facile d’avoir recours au crédit. A tout propos attaquée, entamée, bouleversée, modifiée, renversée, restaurée, l’administration septembriste