Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/621

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sujet des actes religieux accomplis par les commissaires du gouvernement dont l’intrusion est ainsi proclamée. Le pape élève au cardinalat l’archevêque de Lisbonne, et sur ce point assurément personne en Portugal n’a trouvé à redire ; mais du nouveau cardinal le pape fait un patriarche, suscitant ainsi une rivalité fâcheuse entre le prélat de Lisbonne et l’archevêque de Braga, à qui déjà l’archevêque de Tolède dispute si opiniâtrement le titre de primat des Espagnes. Ce n’est pas tout, le pape fonde à Lisbonne un chapitre patriarcal dont il définit les droits et les attributions, qu’il dote de certaines rentes annuelles et même de certains immeubles, sur les fonds du trésor et sur les biens de l’état. Si le régime représentatif n’était pas en Portugal une fiction aujourd’hui fort peu décevante, ne pourrait-on pas rappeler à M. da Costa-Cabral que c’est aux cortès et non au pape qu’il appartient de donner au clergé une constitution civile, et qu’à la rigueur, si l’on se repent d’avoir aboli la main-morte, c’est une loi du royaume, une vraie loi politique, et non pas une simple bulle, qui la doit rétablir ?

Mais n’insistons point sur les difficultés infinies qui de près ou de loin se rattachent à cette ligne de démarcation qu’il conviendrait de tracer entre les deux domaines : il reste bien assez de griefs pour l’opposition à laquelle M. da Costa-Cabral est en butte, de la part des membres du conseil d’état et de la junte du crédit public, des juges de première instance et des juges d’appel, des professeurs de l’université, des principaux officiers de l’armée, du parti nombreux que tous les mécontens ont formé dans la presse, à la chambre des députés et à la chambre des pairs. En s’arrogeant une autorité qui jusqu’ici n’a jamais été limitée ni contrôlée par la représentation nationale, M. da Costa-Cabral s’est engagé de lui-même en des embarras qui bien certainement ont mis en évidence son talent et l’énergie de son caractère, mais d’où il lui sera impossible de sortir s’il ne se décide à solliciter le réel concours des cortès, et à rétablir les vrais principes du régime constitutionnel. Nous ne voulons pas justifier les révoltes à main armée et les pronunciamientos ; mais en s’attachant à mettre en relief les désordres et les maux qu’ils entraînent, les apologistes de M, da Costa-Cabral ne font-ils point le procès de la politique aventureuse qui les a provoqués ? On a vu déjà quelles complications financières ont suscitées les derniers troubles : il suffira de montrer comment ces complications vont chaque jour s’aggravant, pour bien faire comprendre qu’avec ses seules ressources M. da Costa-Cabral est tout-à-fait impuissant à les trancher.


III – SITUATION FINANCIERE. – IMPÔTS ET EMPRUNTS. – OPERATIONS DE LA BOURSE A LISBONNE. – ÉTAT DU CREDIT.

L’histoire des finances du Portugal, qui, au fond, n’est que trop sérieuse, a toutes les apparences, toutes les allures d’un roman véritable ; ce roman mérite qu’on le raconte, car rien au monde ne fait mieux comprendre combien dans un état, appauvri, d’où le commerce a disparu et où l’on ne tire