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dresser le programme scientifique, philosophique ou littéraire des universités.

Au fond, le cabinet portugais ne se préoccupe guère de l’enseignement public, ni des moyens de le relever. Pour peu que l’on soit versé dans l’histoire de la philosophie au moyen-âge, on se rappelle qu’en aucune autre université les doctrines péripatéticiennes n’étaient si bien comprises, ni si bien exposées que par les docteurs de Coïmbre ; en théologie, et c’est tout dire, ces docteurs soutenaient avantageusement la lutte avec les formidables casuistes d’Alcala et de Salamanque. Ce sont là de glorieux souvenirs qui n’ont pu encore s’effacer, excepté peut-être à Coïmbre, d’où ils semblent avoir disparu en même temps que l’ancienne splendeur. Seul, dans cette vieille et morne cité de Coïmbre, à Porto, à Lisbonne, l’enseignement de la médecine jette ou plutôt jetait naguère quelques lueurs mourantes, car, en vertu d’un nouveau décret de M. da Costa-Cabral, on ne pourra désormais professer que la chirurgie dans les deux dernières villes ; l’enseignement de la médecine n’a été maintenu qu’à Coïmbre. Il y a quatre ans environ, on a fondé une école polytechnique à Lisbonne, et à Porto une école des arts et métiers ; mais la pénurie absolue du trésor a forcé M. da Costa-Cabral de supprimer tous les secours jusqu’ici votés par les cortès en faveur des établissemens où s’enseignaient les sciences, et, à Porto aussi bien qu’à Lisbonne, les deux écoles peuvent être considérées déjà, nous le craignons bien, comme si elles avaient cessé d’exister.

De tous les organes de M. da Costa-Cabral, un seul a osé approuver le décret qui détruit l’indépendance des professeurs, et il va sans dire que c’est le journal officiel, le journal de M. Carlos Bento ; les trois autres n’ont pas hésité à convenir qu’en plaçant ainsi toutes les garanties dans la main du pouvoir politique, le ministre exagérait et par conséquent faussait le système de la centralisation. Les journaux de l’opposition ont accusé M. da Costa-Cabral de n’avoir pris une si excessive mesure que pour atteindre un docteur de Coïmbre, M. Joâo Lopez de Morâes, qui a fondé l’Opposiçâo nacional, et, avec M. de Morâes, les autres professeurs qui lui ont fait une si rude guerre à la chambre des députés. Écartons les mobiles personnels, et, à propos des universités comme à propos de toutes les autres mesures décrétées par le ministre de doña Maria, bornons-nous à constater qu’en dehors du cabinet Cabral, aucun pouvoir, aucune institution n’est vraiment demeurée debout A Lisbonne les cortès, dans les provinces les municipalités, partout les jurys ordinaires n’ont plus conservé qu’une ombre de vie et d’indépendance ; le conseil d’état n’est plus consulté que pour la forme, si même on juge à propos de le consulter encore ; la magistrature est destituée de son inamovibilité séculaire ; la garde nationale est dissoute ; l’officier de l’armée a perdu la propriété de son grade ; le haut enseignement a cessé d’être libre ; la junte du crédit public, dont nous allons avoir à définir les attributions, ne protège plus en réalité, ni le crédit privé, ni celui de l’état ; aujourd’hui même, on parle de l’abolir tout-à-fait. Voilà la situation intérieure du Portugal dessinée