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de Bomfim, son administration n’en a pas moins été une des meilleures qui depuis la restauration du trône constitutionnel ait passé sur le Portugal. M. de Bomfim était parvenu à pacifier le royaume, à discipliner un peu cette capricieuse et turbulente armée portugaise, qui, pour le seul plaisir d’entrer en campagne et de déployer au vent sa bannière, déferait volontiers le régime quelle vient de fonder. A l’extérieur, M. de Bomfim s’était fait remarquer par sa scrupuleuse exactitude à payer les arriérés de la légion étrangère qui avait suivi la fortune de dom Pedro, et par l’énergique résistance qu’en moins de vingt jours il organisa contre les menaces d’Espartero ; le régent d’Espagne le voulait forcer d’exécuter un traité, concernant la navigation du. Douro, qui n’avait point reçu encore la sanction des cortès de Lisbonne. En moins de vingt jours, M. de Bomfim avait équipé tous les bataillons et armé tous les navires dont se composent l’armée et la marine du Portugal. L’Angleterre interposa sa médiation, et le comte-duc se vit obligé d’attendre que l’acte fût en effet approuvé par les cortès ; mais, pour mettre sur pied le pays, marine, armée, cités et villages, il avait suffi de la nouvelle qu’une guerre pouvait éclater entre Portugal et Castille ; ceci fait nettement comprendre, ce nous semble, les dispositions réelles où se trouve contre ses anciens dominateurs la plus faible de ces deux nations. Ce fut, depuis le jour où l’empereur brésilien débarqua à Porto, le seul véritable élan d’enthousiasme qui pour un instant ait suspendu les querelles des partis. Radicaux et constitutionnels de 1822, septembristes modérés, chartistes et jusqu’aux plus déterminés amis de l’infant déchu, tous se faisaient inscrire dans les bataillons volontaires on eût dit de l’époque où le premier Bragance se disposait à défendre sa jeune couronne contre les vieilles bandes du comte-duc d’Olivares.

En janvier 1844, au moment où la coalition parlementaire était plus que jamais décidée à tout entreprendre pour renverser M. da Costa-Cabral, et où celui-ci venait de lui interdire la tribune, les précédens de M. le comte de Bomfim le désignaient naturellement comme le chef de ce mouvement à main armée, qu’en dernier recours l’opposition était résolue de tenter. Le 29 janvier, M. de Bomfim, d’accord avec plusieurs de ses amis, députés et officiers supérieurs, quitta Lisbonne pour se rendre dans l’Alemtejo ; le général comptait à peu près sur les deux tiers des troupes ; le jour même ou il se devait prononcer, il était convenu que d’autres chefs en feraient autant à Lisbonne et dans les principales villes du royaume. Soit malentendu, soit défection, dès le début, ses plans furent presque partout déconcertés ; le colonel Cezar de Vasconcellos, un des plus brillans et des plus intrépides officiers de l’armée portugaise, donna pourtant le signal dans la ville de Torres-Novas. Trop peu nombreux pour résister aux forces dont pouvait disposer le gouvernement de Lisbonne, les insurgés s’enfermèrent dans Almeïda, une place depuis long-temps abandonnée, mais où du moins l’on pouvait organiser quelque défense. Ils espéraient que, si on les voyait ainsi persister jusqu’au bout dans leur périlleuse entreprise, leurs amis du dehors se décideraient à les seconder. Très peu de jours après, en effet, un pronunciamiento