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beaucoup, par malheur, que sur ce dernier terrain le journal de M. Castilho mérite la même considération, ou, si l’on veut, donne les mêmes espérances. Le Diario est l’organe officiel de M. da Costa-Cabral ; les avantages matériels que lui assurent ses relations avec le ministre en font un journal véritablement riche ; le Diario est exempté de tout droit de port, et comme la plupart des employés du royaume sont tenus de le lire et de le recevoir, il suffit du seul chiffre de ses abonnés obligatoires pour couvrir et au-delà tous les frais : aussi a-t-il, dans ces derniers temps, adopté un format qui lui donne presque l’aspect d’un de nos journaux de Paris. En littérature, race à la mordante et spirituelle critique de M. Robello, le Diario rivalise avantageusement avec la Restauraçao et le Panorama, consciencieuse revue qui se publie à Lisbonne. — En politique, le Diario a pour principal rédacteur M. Carlos Bento, le fondateur, ou pour mieux parler, l’inventeur de ce jeune Portugal qui décidément ne peut parvenir à se constituer. M. Bento pourtant semble aujourd’hui fatigué de prendre exemple sur les vives et capricieuses allures de la jeunesse politique espagnole : il s’est tourné du côté de la France ; ses longs articles reproduisent depuis quelque temps, mais avec une opportunité contestable, les colères majestueuses et les hautaines ironies du Journal des Débats. Le Correio Portuguez, que rédige un chanoine, M. Lacerda, est le défenseur le plus judicieux, le plus habile de l’administration Costa-Cabral ; M. Lacerda serait un vrai publiciste si, par son style diffus et sa lourde manière, il ne trouvait moyen d’amoindrir l’autorité de son opinion. Entre les journaux ministériels et les journaux opposans, une feuille de province, la plus ancienne du Portugal, et peut-être la plus répandue encore, les Pobres do Porto, tient une position à peu près neutre. En janvier 1842 cependant, ce journal a été le plus puissant auxiliaire de M. da Costa-Cabral : c’est lui qui à cette époque recevait ses confidences et publiait ses manifestes ; c’est lui qui exprimait ses véritables intentions. A vrai dire, les Pobres do Porto n’exercent actuellement une certaine influence que par une sorte de feuilleton satirique où un poète, M. Bandeira, drape et gourmande tous les partis. Les miguélistes sont trop divisés, ils se retranchent d’ailleurs trop dédaigneusement dans leur orgueil ou dans leurs rancunes pour qu’il leur soit possible de se créer ou plutôt de conserver long-temps un organe ; les jeunes gens du parti qui ont à cœur de jouer un rôle et d’appeler sur eux l’attention publique se voient contraints de demander une sorte d’hospitalité aux journaux septembristes : le plus remarqué jusqu’ici est un noble de province, M. Vasconcellos. S’il faut tout dire, et ceci est pour l’avenir d’un heureux présage, les uns et les autres ne se rattachent plus que par leur naissance ou leurs relations personnelles aux idées vieillies, exclusives ; leur conversion aux principes sur lesquels s’appuie, ou plutôt devrait s’appuyer le nouveau régime, n’est plus aujourd’hui qu’une affaire de temps.

Du palais aux chambres, des chambres aux moindres organes de la presse,