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d’avancer encore sont de notoriété publique pour qui s’attache le moins du monde à suivre le mouvement des affaires. S’ils sont pour la plupart ignorés de l’Europe, c’est que l’Europe ne s’est jamais émue que des révolutions du Portugal, presque jamais des causes qui, dans les temps où les partis ne se sont pas ouvertement combattus, ont préparé ces révolutions.

Quand les princes de la maison d’Autriche vinrent s’asseoir sur le trône d’Isabelle et de Ferdinand, leur premier soin fut d’anéantir les franchises nationales ; les immenses domaines des rois catholiques devinrent la proie des grands et petits aventuriers de Flandre ou d’Autriche. Le coin resserré de la Péninsule où s’est maintenue la dynastie de Bragance nous donne en petit aujourd’hui quelque idée du spectacle que présentait la monarchie espagnole à la fin du XVIe siècle. A Dieu ne plaise pourtant que nous comparions aux illustres cortès d’Aragon et de Castille les deux faibles assemblées qui siégent à Lisbonne en vertu de la charte ; à Dieu ne plaise que les Allemands dont s’entoure le roi Fernando soient par nous accusés d’avoir commis la moindre exaction ! Nous voulons dire seulement que du régime représentatif le Portugal n’a plus en ce moment que l’ombre et les apparences, et qu’à la cour de doña Maria les étrangers disposent de tout. Si le roi dom Fernando gouverne la reine, il est à son tour dominé par son ancien précepteur, M. le conseiller Dietz, un homme fort respectable assurément, de mœurs austères, d’intentions excellentes, mais dont, par malheur, les lumières sont loin d’offrir les mêmes garanties. A dater du coup de main avorté de Belem, M. Dietz a inspiré toutes les résolutions excessives qui, par les mains de la reine ou du moins par celles des ministres, ont fait et défait comme à plaisir les constitutions. Au fond, M. Dietz est assez indifférent, nous le soupçonnons fort, à la constitution de septembre comme à la charte proprement dite ; ce qu’il veut avant tout, c’est que le jeune roi, l’élève bien-aimé auquel il ferait sans hésiter le sacrifice de sa vie et de sa fortune, domine à Lisbonne toute autre puissance. Un instant il a rêvé pour lui la popularité et l’amour des masses ; c’était en 1837, à l’époque où la reine alla proclamer la charte dans son palais de Belem. La tentative échoua, comme on sait, et M. Dietz, qui, sans aucun doute, en avait eu la pensée, conseilla au roi de faire une démonstration ouvertement contraire : encore un instant, et le roi se plaçait à la tête des gardes nationales qui forcèrent la reine à rentrer dans les voies constitutionnelles. Plus tard, on le doit reconnaître, M. Dietz n’a pas un seul manient dévié de ses opinions chartistes. En janvier 1842, quand M. da Costa-Cabral se rendit à Porto pour y abroger la constitution de septembre, Lisbonne en feu menaçait de se lever tout entière, non-seulement contre le ministre qui allait ainsi attenter à la loi fondamentale, mais contre le palais d’où il avait emporté le mot d’ordre, et où demeuraient ses plus fermes soutiens. Aux premières agitations du peuple, le roi Fernando fut sur le point de se rendre, lui aussi, à Porto, pour y organiser l’agression ou du moins la résistance contre-révolutionnaire ; s’il resta dans Lisbonne, c’est que les évènemens le mirent en état d’y seconder utilement le ministre. C’est lui qui, en