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Le système du ministère est la politique de la paix ; c’est aussi le système de la majorité ; c’est celui de tous les hommes sensés, de tous les citoyens dévoués au gouvernement de juillet. Mais comment le ministère a-t-il pratiqué cette politique ? quels moyens a-t-il employés pour conserver la paix ? comment a-t-il défendu les intérêts, les droits, la dignité de la France ? comment a-t-il conduit les affaires du Maroc, de Taïti, du droit de visite ? Tel est le problème que les chambres ont résolu d’une manière qui ne peut être douteuse pour personne. Ne nous occupons pas seulement des votes ; voyons le résultat moral de la discussion. Qu’a-t-elle démontré ? de quel côté est l’erreur ? de quel côté se trouvent la vérité, la justice, le sentiment éclairé de l’honneur et de la dignité du pays ? M. Guizot ; M. de Broglie, M. Duchatel, ont défendu le cabinet avec les ressources de leurs talens divers. M. Guizot a été quelquefois éloquent ; M. de Broglie a été net et élevé ; M. Duchatel a parlé en tacticien habile, qui excelle à déplacer les questions et à transporter le débat sur le terrain de ses adversaires. Eh bien ! nous le demandons, M. Guizot, M. de Broglie, M. Duchatel, ont-ils justifié aux yeux du pays la politique du cabinet ? ont-ils, sur la question de Taïti, sur celle du droit de visite, réfuté les paroles péremptoires de M. le comte Molé ? Sur l’ensemble des questions, ont-ils réfuté l’admirable discours de M. Thiers, cette improvisation si heureuse, cette causerie brillante d’un esprit si clair, si judicieux et si vaste ? ont-ils rétorqué l’argumentation puissante de M. Dupin ? ont-ils détruit l’effet des éloquentes paroles de M. Barrot ? Enfin, qui a réfuté M. Billault, cet esprit souple et délié, cet orateur à la fois chaleureux et contenu, ce rude joûteur que la discussion a tellement fortifié et grandi depuis quatre ans ? M. le prince de la Moskowa et M. de la Redorte, M. Dufaure, M. de Carné, M. de Tocqueville, M. Gustave de Beaumont, M. Léon de Malleville, ont pris tour à tour une place importante dans le débat : a-t-on réfuté toutes leurs critiques ? M. Saint-Marc Girardin, sous le coup des interruptions organisées contre lui, a signalé les graves lacunes et le vice radical du traité de Tanger : que lui a-t-on répondu ? Sans doute, l’opposition n’a pas eu raison sur tous les points. Certaines assertions, dénuées de preuves suffisantes, ont été démenties, l’exagération de certaines attaques a été prouvée ; mais, sur chacun des points principaux, le ministère a-t-il mérité ou non un blâme sévère ? Qu’on relise ses discours et ceux de l’opposition ; que l’on compare et que l’on juge.

Commençons par la question du Maroc. Sur cette question, le ministère était protégé par les lauriers d’Isly et de Mogador. Il a fallu de graves motifs pour que l’opposition entrât sur ce terrain ; elle eût voulu ne parler du Maroc que pour applaudir à la double victoire de notre flotte et de notre armée. Quels sont donc ses griefs contre le cabinet ? Elle lui reproche d’avoir rendu la victoire inutile, d’avoir conclu un traité sans garanties, d’avoir cédé, au moins en apparence, à des exigences que le gouvernement français devait repousser. Que dit le ministère ? Il répond d’abord à des objections imaginaires.