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conclut qu’il n’a pas dû s’écouler un seul instant sans qu’il existât une église cathédrale à Coutances ; que, par conséquent, il n’y a eu ni destruction ni reconstruction, et que l’ancienne église a toujours subsisté. Mais comment oublier que, pendant le moyen-âge, c’était un usage constant et nécessaire que de faire succéder sans interruption, pour ainsi dire, l’église nouvellement reconstruite à l’église abandonnée ? Même au milieu des fouilles et des décombres, au milieu des échafaudages couverts de centaines d’ouvriers, il fallait assurer la perpétuité du culte, en conservant tout ou partie du vieil édifice jusqu’au moment où le nouveau pouvait être consacré. Les faits abondent pour certifier cet usage. Ainsi dans les archives capitulaires de Beauvais, on lit ces mots : Anno 1272 prid. cal. novemb. IN CHORO RECENS EXSTRUCTO mirae altitudinis et amplitudinis canonici divina officia celebrare coeperunt[1]. Ce fut donc, comme on voit, en 1272 que pour la première fois les chanoines de Beauvais célébrèrent les offices dans leur chœur nouvellement construit : or, leur cathédrale avait été incendiée en 1225 ; sa ruine avait été à peu près complète. Eh bien ! pendant les quarante-sept ans que durèrent les travaux de réédification, on ne trouve rien dans les archives capitulaires qui puisse faire supposer que l’église a cessé d’exister. On voit, comme par le passé, les évêques donner des revenus à telles ou telles chapelles de la Cathédrale, fonder des messes singulis diebus celebrandas ; on continue enfin à voir enterrer les évêques dans l’église. N’est-il donc pas

  1. Gallia christiana, t. IX, col. 745.