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que le nom grec de Naucratis cache quelque nom égyptien d’une ville déjà existante. Cette ville fut, dès l’origine, soumise à une administration toute grecque. Selon Hérodote, elle était gouvernée par des magistrats ou prostates, nommés timouques par l’historien Hermias[1] ; c’est le nom que portaient aussi les premiers magistrats de Marseille, qui tirait, comme Naucratis, son origine de l’Asie-Mineure.

Un passage de Polycharme de Naucratis nous montre que sous la domination des Perses, à l’époque du voyage de Platon, cette ville conservait le culte et les usages grecs[2]. Hermias, dont l’époque n’est pas connue, nous représente Naucratis comme soumise à un régime différent de celui des villes égyptiennes. Nous y trouvons un prytanée, des dionysiaques, des fêtes d’Apollon Comaeus, et d’autres particularités d’administration ou de culte qui sont entièrement grecques. Athénée de Naucratis, dans tous les passages où il parle de sa patrie, nous montre qu’au temps d’Adrien et des Antonins elle conservait le même caractère. Ainsi, tous les témoignages des divers temps s’accordent pour nous faire voir que cette ville, depuis sa fondation jusqu’à l’arrivée d’Alexandre, ne cessa pas d’être une ville grecque, servant d’entrepôt au commerce extérieur, état de choses qu’avaient respecté les Perses. Après la fondation d’Alexandrie, évènement qui dut beaucoup diminuer sa richesse et son influence, elle conserva son administration, et devint ce que furent à diverses époques Ptolémaïs, fondée par Ptolémée Soter, et Antinoe, fondée par Adrien, c’est-à-dire une ville grecque au milieu de villes tout égyptiennes[3].

Quand nous voyons les rois d’Égypte permettre aux Grecs d’introduire, dans les lieux qu’ils leur assignèrent, l’administration qui leur était propre, nous pouvons déjà présumer qu’ils leur accordèrent aussi le libre exercice de leur religion ; mais le fait résulte clairement de plusieurs textes formels d’Hérodote. Non-seulement les Grecs jouirent de cet avantage à Naucratis, mais encore Amasis leur assigna différeras lieux, où ils eurent la faculté d’élever des autels et des

  1. Ap. Athen., IV, 149, F.
  2. Ap. Athen., XV, p. 675, F., 676.-Le fait dont je parle, qui concerne un certain Hérostrate de Naucratis, est placé dans le texte à la 23e olympiade ; ce qui répond à l’an 688 avant J.-C. Cette date est impossible, puisqu’elle se trouve antérieure au règne de Psammitichus. Je lis : « vers la 103e olympiade ; » ce qui répond à l’an 367 avant J.-C., vers le temps des voyages de Platon et d’Eudoxe. Les mots ?? et ?? ont pu être facilement confondus par les copistes.
  3. Athen., XIII, p. 560. E. — Id. XV, 675, F.