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afin qu’on fasse plus d’attention aux détails où je vais entrer, et qu’on mette plus de sévérité à recevoir les faits ou les argumens que je vais produire.

Avant d’examiner si la conquête personne a causé dans l’état intérieur de l’Égypte d’aussi grands changemens qu’on le pense en général, il importe de bien connaître la situation de ce pays lors de l’arrivée de Cambyse, 525 ans avant Jésus-Christ. Il faut s’assurer si, à cette époque, et même un siècle plus tôt, à partir de l’établissement des Grecs en Égypte, de nombreux signes de décadence, comme on le croit généralement, se faisaient déjà remarquer dans les institutions et les arts de ce pays, et si la force qui avait élevé les monumens de Thèbes s’était affaiblie, ou subsistait encore à peu près intacte.


I – ETABLISSEMENT DES GRECS EN EGYPTE SOUS LE REGNE DE PSAMMITICHUS

Selon le témoignage précis d’Hérodote, ni les Grecs ni aucun autre peuple étranger n’avaient été admis à former un établissement en Égypte, et jusqu’à cet évènement, qui eut lieu vers 670, l’Égypte et la Grèce étaient restées sans communications directes l’une avec l’autre. Je pourrais confirmer ce témoignage, s’il en était besoin, en établissant, contre l’opinion commune, divers points que je me borne à indiquer. Ainsi, jusqu’aux temps voisins de la fondation de Cyrène, entre 625 et 648 avant Jésus-Christ[1], les Grecs, même les insulaires des Cyclades, ignoraient jusqu’à la situation de la Libye[2], et ne trouvèrent qu’un navigateur crétois qui la connaissait pour y avoir été porté par les vents. L’unique mention de l’Égypte et de la Thèbes aux cent portes, dans les trois vers du neuvième livre de l’Iliade, est due à une interpolation postérieure, ce que les critiques les plus réservés reconnaissent. Dans l’Odyssée, le récit du voyage de Ménélas montre que l’Égypte, encore placée, comme la Sicile et l’Italie, à l’horizon géographique de la Grèce, était un pays de prodiges et d’êtres surnaturels ; que cette contrée n’avait jamais eu de ports ni sur la Méditerranée ni sur la mer Rouge, où l’on ne trouve aucune ruine pharaonique ; que les prétendues colonies égyptiennes d’Inachus, de Cécrops ou de Danaüs sont de l’histoire fabriquée à posteriori, inconnue aux anciens Grecs ; enfin que les ressemblances apparentes entre les religions des deux pays sont dues à des assimilations factices, dont l’époque est postérieure au règne de Psammitichus.

  1. Thrige, Res Cyrenensium, p. 86, 87.
  2. Herod., IV, 152.