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jugé subsiste encore, et des personnes instruites continuent de prêter à ce peuple des connaissances mathématiques et astronomiques perfectionnées, dont on est bien forcé de convenir qu’il restait très peu de traces à l’époque où des Grecs d’un esprit éminent, tels qu’Eudoxe et Platon, voyageaient en Égypte, et surtout lorsque l’école d’Alexandrie fut obligée de construire pièce à pièce, en grande partie par ses propres efforts, ce vaste monument dont Ptolémée, dans son Almageste, nous a conservé les propylées magnifiques.

Pour expliquer la disparition de cette science prétendue[1], on continue d’avoir recours aux révolutions, aux conquêtes qui ont bouleversé l’Égypte, éteint ses institutions, dispersé ses collèges de prêtres, et anéanti leurs doctrines savantes[2].

Mais, s’il était établi que ces effets désastreux n’ont jamais été produits ; qu’en Égypte, comme en Chine, les invasions étrangères n’ont eu qu’une très faible influence sur les institutions locales, et que la civilisation égyptienne a réellement conservé son caractère propre et presque sans mélange, depuis Sésostris jusqu’à Alexandre, cette disparition des sciences deviendrait une hypothèse sans fondement ; il serait historiquement démontré qu’au temps de Platon et d’Eudoxe, les Égyptiens savaient encore tout ce qu’ils avaient su aux époques les plus florissantes de leur empire. Dans ce cas, l’imperfection des connaissances chez des disciples aussi intelligens que zélés serait une preuve manifeste que les maîtres n’avaient jamais été fort habiles. Or, comme personne ne soutient plus à présent la grande science astronomique des Chinois, ni des Indiens, ni même des Chaldéens, à qui l’on n’accorde plus que la connaissance exacte de quelques périodes, l’Égypte restait le seul pays où ceux qui tiennent encore un peu aux chimères de Bailly et de Dupuis pouvaient espérer de trouver quelques secours. Mais si le résultat de cette étude venait à détruire cette dernière ressource, il faudrait bien en déduire, comme conséquence nécessaire, la vérité d’une assertion que j’ai mise ici même en avant, à savoir qu’avant l’école d’Alexandrie, il n’a point existé chez les anciens peuples de science proprement dite[3].

Tel est donc, en définitive, le grave fait historique qui doit sortir du tableau dont je tâcherai de réunir les principaux traits, et j’en avertis,

  1. Fourier, Préface historique, p. XI. « Les philosophes grecs n’y puisèrent qu’une instruction imparfaite, parce que la religion, les lois et les sciences étaient presque entièrement anéanties.
  2. Biot, dans le Journal des Savans, 1843, p. 487.
  3. voyez la dernière page de mon article, dans la Revue du 15 août 1837.