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reculée[1]. Comme ils se trouvaient dans des édifices qui semblaient avoir le même style et être de la même époque que tous les autres, on pensa qu’ils devaient, sans exception, appartenir à des temps qui avaient de beaucoup précédé l’invasion persane, et que, depuis cet évènement, les Égyptiens n’avaient plus élevé aucun de ces monumens sacrés portant le caractère propre aux arts et aux anciennes institutions de leur pays. Telle est, en effet, l’idée qui domine dans les mémoires d’antiquité que contient la grande description de l’Égypte ; mais, bien loin d’en faire un reproche aux savans qui les ont rédigés, il est juste de reconnaître que cette opinion est parfaitement conséquente aux seuls, faits qui fussent alors connus.

On allait même jusqu’à croire que la ruine des institutions égyptiennes s’était étendue au système graphique. Fourier pensait que la connaissance de la langue hiéroglyphique était en grande partie perdue à l’époque grecque[2] ; d’autres savans[3] regardaient la présence des signes hiéroglyphiques sur un monument d’architecture égyptienne comme une preuve incontestable qu’il est antérieur à Cambyse ; la pierre de Rosette elle-même ne fit pas tomber entièrement ce préjugé, et je ne puis oublier qu’en 1821, dans l’enceinte même de l’Académie des Inscriptions, j’ai entendu un savant archéologue (feu Mongez, qui ne fut pas seul de son avis) mettre en doute si le texte hiéroglyphique de cette pierre ne serait pas une pure fiction, et si les prêtres égyptiens, ne sachant plus la langue sacrée, ne se seraient pas amusés à rassembler, au hasard, des signes et des figures pour faire croire aux Grecs qu’ils la comprenaient encore. C’est ce doute que j’ai pris à tâche de lever dans une note de mon mémoire imprimé en 1821[4], note qui doit sembler aujourd’hui aussi inutile qu’elle me paraissait alors nécessaire.

D’après cette disposition, générale à cette époque, des esprits les plus distingués, on ne peut être surpris de l’incrédulité et de la défiance qui accueillirent les conclusions du mémoire que je vins lire à l’Académie en juillet 1821. Dans ce travail, je tirais, sans hésiter, les conséquences immédiates et rigoureuses des inscriptions grecques gravées sur la façade des temples de Tentyra, d’Antoeopolis, d’Apollonopolis Parva et d’autres villes antiques. Je soutenais que ces édifices,

  1. voir mon article sur l’Origine du Zodiaque grec. — Revue du 15 août 1837.
  2. Fourier, Préface historique, p. XII.
  3. Jomard, Mémoire sur les Inscriptions antiques. — Antiquités Mém., t. II, p. 12, 15.
  4. Journal des savans, juillet 1821, p. 453 et 454.