Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/514

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un de ses dons, au contraire, est de garder dans l’ardeur du combat toute sa présence d’esprit. La presse a ses tacticiens comme l’armée, et il n’y a de bons généraux que ceux qui sont calmes devant le canon. Cette fois, M. Girardin avait cédé à l’emportement transitoire de la passion. Qu’on se rappelle donc, comme un heureux contraste, son jugement de tout à l’heure sur les prolétaires de juillet. Je l’aime mieux aussi le jour où il recommandait chaleureusement aux électeurs la candidature d’un violent adversaire, avec qui il croisait le fer tous les jours, M. Armand Carrel. Et cependant M. Saint-Marc savait la personnelle hostilité de M. Carrel qu’irritaient au plus haut degré son jeu leste et sa volubilité de glaive. La générosité fait rarement l’honneur des partis.

Aux élections de 1834, le collège de Saint-Yrieix élut député M. Saint-Marc Girardin, qui, de la suppléance de M. Guizot à la Sorbonne, venait de passer comme titulaire à la chaire de poésie française laissée par M. Laya. Sa présence à la chambre éloigna tout d’abord M. Girardin de la presse ; depuis lors, il ne fut plus le polémiste ardent et quotidien de tout à l’heure, mais seulement un rédacteur en service extraordinaire, qui ne se mêlait des controverses politiques qu’à la rencontre et sur des questions isolées. Les loisirs, de toute façon, lui eussent manqué pour cette tâche ; c’était bien assez déjà de s’occuper d’affaires au Palais-Bourbon, de poésie à la Faculté, d’administration au Conseil royal. Je n’ai rien à toucher ici de la carrière parlementaire de M. Girardin et de l’importance que, dans ces dernières années, il a commencé de prendre à la chambre. Sans doute, avec un peu de bonne volonté, on retrouverait quelque chose du lettré (comme disait M. Hugo) dans l’homme politique, et il ne serait pas difficile de noter quelque ressemblance entre l’orateur et le professeur : M. Girardin ne pouvait manquer d’être spirituel à la tribune, comme il l’est dans sa chaire… Sed non, attinetad edictmn prœioris ; nous n’avons en vue que le critique.

C’est au critique qu’il faut rapporter deux volumes relatifs à nos voisins du Rhin, et pourtant très différeras de sujet, que M. Girardin publia vers 1835. Le premier portait le simple titre de Notices, et était out bonnement un recueil de fragmens agréables et peu étendus, une gerbe d’épis rapidement gainés dans les articles antérieurs et les leçons de M. Girardin. Le second, sous le nom de Rapport sur l’instruction intermédiaire, contenait le récit d’un voyage officiel entrepris dans le midi de l’Allemagne pour étudier de près ces sortes d’établissemens, alors sans analogues en France, et où se trouve organisée