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cette série d’articles sur Beaumarchais qui furent si remarqués. On sait combien la différence des auditoires peut modifier les qualités d’un orateur : l’écrivain n’échappe pas à cette influence, à ce magnétisme des alentours. Il y a toujours profit ou perte dans le voisinage qu’on se fait. Le talent de M. Girardin, au sortir des ternes cahiers du Mercure, s’aviva singulièrement dans cette atmosphère alors si lumineuse et si excitante du Journal des Débats. Rien de mieux fait, rien de plus lestement tourné que ces articles, prompts, animés, allant au vif. Le style ne se perd plus aux gentillesses mignardes, aux affectations dogmatiques : il a hâte, il est décidé, il mêle la verdeur au naturel ; la concision épigrammatique lui plaît, il donne du relief à ce qui pourrait paraître insignifiant ; il aiguise encore ce qui serait naturellement spirituel, de sorte que chaque mot devient un trait et jaillit en étincelle. Cette allure sans apprêt, cette familiarité de bon aloi, relevées à propos par l’élégante désinvolture des tours, étaient dans la critique une nouveauté faite pour séduire ; elle séduisit et mit bientôt en réputation ces flexibles saillies d’un talent que le public commençait à apprécier. Pour comble de bonheur, la censure, dont le règne allait prochainement finir, supprima le dernier des articles sur Beaumarchais ; on se l’arracha quelques mois plus tard. En montrant dans l’auteur de Figaro un novateur sans scrupule, un promoteur hardi des idées, M. Girardin disait : « C’est là une gloire ou un crime qua ne lui pardonneront guère ceux qui marchent en arrière, ceux qui marchent de côté, et enfin ceux qui ne marchent pas du tout. » M. Saint-Marc était de ceux qui marchaient en avant.

Aussi le trouve-t-on mêlé de près à la guerre terrible que le Journal des Débats ne cessa de faire à un gouvernement rétrograde, durant ces décisives années. Son premier article politique fut inséré le 27 novembre 1827 : c’était le lendemain de cette trop célèbre émeute de la rue Saint-Denis, par laquelle la police de M. de Villèle espérait effrayer le pays sur le résultat des récentes élections. À l’âcre et fine ironie qui perçait dès la première ligne, à la svelte prestesse des images, à la vie qui courait impatiemment dans ces phrases, à ces airs surtout de légèreté mondaine, à ce ton mélangé de conversation et d’éloquence, on devinait un style inaccoutumé, une plume nouvelles M. Saint-Marc montrait le ministère enflant le mannequin de la révolution pour effrayer les bonnes gens, et jetant dans la balance le gourdin de ses espions. M. de Villèle n’était-il pas un trop grand homme pour disparaître autrement que dans une tempête, et ne fallait-il point sonner la trompe aux royalistes pour sauver solidairement M. de Corbière