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lui-même. Quelque chose en effet de nouveau me frappe dans ces pages ; il y a là un tour ferme, des touches énergiques, auxquels la légèreté brillante de ce pinceau ne nous avait pas accoutumés jusqu’ici. Marche pressante à travers les choses, pensée remuante et qui ne s’attarde pas à approfondir, sens net et dégagé, investigation entreprenante et rapidement poussée en tout sens, M. Saint-Marc Girardin avait déjà toutes les qualités vives qu’il a portées depuis dans ses divers travaux sur l’histoire de la politique et des lettres. Une vue piquante faisait le fond de cette étude sur Bossuet, et intéressait habilement l’opinion contemporaine à ces pieux débats des théologiens du grand siècle ; M. Saint-Marc montrait comment il n’y a pas de querelles où n’entre au fond l’esprit de liberté. A partir du XVIe siècle, la liberté, c’est d’examiner la foi ; au XVIIIe, elle passe de la théologie dans les lettres ; aujourd’hui elle est dans la politique : en tout temps elle s’établit dans notre passion dominante. Juger ainsi, c’était faire des disputes du quiétisme une question libérale de 1828 : nous surprenons là l’un des traits distinctifs du talent de M. Girardin. Avec lui, sans rien perdre de leur vérité et de leur couleur, les vieux évènemens rajeunissent, les vieilles idées reprennent leur fraîcheur ; le critique sait les recettes de la fontaine de Jouvence. En rendant compte au Globe de l’éloge couronné, M. Magnin, au milieu de beaucoup de délicates louanges, regrettait de voir M. Girardin, dans ses appréciations du passé, trop désintéressé des opinions et des personnes. C’est que le politique, chez M. Saint-Marc, commençait à envahir sur le littérateur.

Ce détachement un peu sceptique que peuvent donner la paisible étude de l’histoire et l’expérience des choses dans les temps calmes, il eût, été bien difficile de le garder long-temps au sein des luttes passionnées de la restauration. Toute plume alors était une arme ; la plume acérée de M. Girardin ne pouvait rester au repos. M. Girardin avait l’instinct des affaires, le goût de l’action ; un premier-Paris, écrit aux Débats par occasion, et qui se trouva être une sorte d’évènement, fit de l’heureux jeune homme un collaborateur politique, un polémiste de tous les jours. L’Éloge de Bossuet avait beaucoup plu à M. de Féletz, qui ne connaissait point le lauréat ; un jour, il parla de lui si vivement à ses amis du journal, qu’on eut l’idée de l’attacher à la rédaction. M. Armand Bertin, qui rencontrait souvent M. Saint-Marc au théâtre du Gymnase, si à la mode alors, se chargea de la négociation, qui fut facile, comme on l’imagine. Quelques semaines plus tard, en août 1827, paraissait dans le Journal des Débats