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au théâtre n’aurait-on pas des palmes également brillantes ? Le désir était légitime : Cromwell et Henri III n’avaient pas encore désenchanté les sages. J’aime à trouver que, lui aussi, M. Saint-Marc Girardin partagea un espoir que l’expérience, on le conçoit trop, lui fit bientôt perdre : ce court et curieux épisode de son passé est-il fait pour inspirer quelque indulgence sur son présent à ceux qui le trouvent trop morose envers la littérature actuelle ? On en va juger.

La première phrase du premier article de M. Saint-Marc au Mercure est le mot de Beaumarchais : auteur, oseur. On prendrait vraiment le jeune écrivain pour un révolutionnaire ; il se moque des pédans de goût et de morale, il est tout résolu à un changement de dynastie au théâtre. « Quand la littérature est jeune, s’écrie-t-il, il faut oser pour grandir ; vieille, il faut oser pour rajeunir ; enfin je dirais presque comme Danton : ce qu’il faut pour vaincre, c’est de l’audace, de l’audace et toujours de l’audace. » Vous croyez tenir le critique et le prendre en flagrant délit de romantisme ; ne vous y liez pas, car la question est encore intacte, et il s’agit maintenant de savoir si Hernani méritera d’être osé. D’ailleurs, il pourrait bien y avoir dans tout cela un peu d’amour-propre de métier. « A présent, dit M. Girardin, la critique vaut mieux que les auteurs ; elle est hardie, ils sont timides ; elle a pris l’imagination qu’ils devaient avoir et leur a laissé la sagesse qui lui conviendrait. » Les temps ont changé, comme on voit, et peut-être la critique d’aujourd’hui a-t-elle trop parfaitement repris son rôle. Dans l’attente de ce qui ne vint pas, dans le misérable dénuement de ce qui était, M. Saint-Marc Girardin ne cessait de faire des vœux pour les tentatives dramatiques ; il attaquait l’étroit système des prohibitions en littérature, il se déclarait partisan du laissez faire et du laissez passer. « Tout le monde, écrivait-il, appelle la réforme. » Qu’on ne le croie pas lié pourtant, qu’on ne croie pas que tout à l’heure il passera sous les fourches caudines de la préface de Cromwell ; le protée s’appartient et ne se donne à personne qu’au sens commun. Voyez plutôt si chacun ne reçoit pas une chiquenaude à son tour. Le voilà qui dérange sans pitié la vieille perruque classique, le voilà qui lutine les tragédies où rien ne rompt les rangs, et la poésie surannée où la périphrase gâte tout ; on s’imaginerait avoir affaire à un adepte du cénacle. Mais laissez dire notre impitoyable critique ; il est inépuisable en fines ironies, et, à côté de ses épigrammes sur la littérature uniformément alignée, il se donnera tout exprès le mauvais ton de citer Boileau, il frappera sur les novateurs maladroits, il fustigera tous ces matérialistes de la couleur locale qui croient attraper la