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livres anciens, en réorganisant l’instruction publique, en s’inspirant le plus possible des exemples de l’antiquité, d’après les conseils des lettrés, marquèrent l’intervalle, trop court qui sépara les révolutions antérieures de l’invasion tartare. Les Tao-sse s’emparèrent de l’esprit du huitième souverain de cette dynastie des Song, et ce fut sous son règne que le chef des Kin commença à s’arroger le titre d’empereur. Trois cents ans plus tard, les Mongols proscrivirent les livres de cette secte dangereuse, à l’exception toutefois du Tao-te-King, qu’ils firent traduire dans leur langue. La philosophie de Lao-tseu, dégagée des superstitions et des rêveries qui la défiguraient, restait admis : par ces maîtres étrangers. Dans le XVe et le XVIe siècle, quand une dynastie chinoise (celle des Ming) régnait de nouveau sur le céleste empire, les Tao-sse reparurent ; mais leur influence, bien qu’elle se fît sentir par intervalles au palais, avait perdu de sa force.

Le bouddhisme, dont les progrès trop visibles, trop apparens, excitaient les inquiétudes des lettrés et provoquaient de temps à autre des réactions violentes, eût pu périr à la longue, sinon dans les esprits, du moins comme religion ayant un culte extérieur ; mais les Tartares Youan la ravivèrent à leur avènement au trône, en introduisant avec eux le lamaïsme, qui est une réforme du bouddhisme indien. Les lamas jouirent auprès des souverains des mêmes faveurs dont avaient été comblés à diverses époques les bonzes et les Tao-sse. On conçoit que leur présence à la cour ait mécontenté les monarques contre les disciples de Lao-tseu et rejeté dans l’ombre cette secte rivale, qui avait eu ses temps de gloire et de prospérités. La réforme dont les lamas sont les chefs, en émancipant les bouddhistes de l’Asie orientale qui relevaient jadis des prêtres de Ceylan, a pour ainsi dire naturalisé en Chine cette religion étrangère.

Après bien des luttes, le trois religions ont fini par être admises en Chine à peu près sur le même pied ; on peut dire qu’elles dorment d’un même sommeil dans ce pays d’indifférence, où les persécutions sont réservées aux apôtres du christianisme. Le lama auquel Koublaï-kan accorda une principauté dans le Thibet, a légué à ses successeurs son petit trône et sa puissance spirituelle, qui n’offusque point les empereurs à distance. Le chef des Tao-sse, revêtu du grade de grand mandarin, réside dans un beau palais au fond de la province du Kiang-si, où l’on fabrique une immense quantité d’idoles. Là, il fonctionne à l’état de grand-prêtre, visité par une foule de pèlerins qui viennent lui demander la guérison des maladies et le secret de ne