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travers les dix-huit enfers. Avec les lettrés, ces missionnaires venus de l’Inde combattaient par la parole ; avec les Tao-sse, ils luttaient, comme moïse en présence des prêtres égyptiens, par des miracles et des prodiges. Craignant aussi d’éveiller les soupçons des empereurs jaloux d’une autorité sans bornes, ils répétaient aux peuples de la Chine cette maxime prudente : « Si vous voulez arriver à la pureté qu’exige la loi, aimez le prince comme un père ; » ou bien : « La fidélité envers le prince est le premier des devoirs. » L’ouvrage auquel nous empruntons ces citations (intitulé : Tong-yeou-ky, voyage des missionnaires bouddhiques à l’est de l’Inde), n’est qu’un roman ; on y rencontre souvent des légendes qui appartiennent à l’histoire des prophètes et des apôtres de l’ancien et du nouveau Testament ; mais ce qu’il importe, c’est de rechercher l’esprit de la secte et les dogmes qu’elle voulait faire prévaloir. Dans l’Inde, le bouddhisme avait prêché l’émancipation des castes, c’est-à-dire l’abaissement des brahmanes, il y fut cruellement persécuté ; en Chine, il heurtait de front deux croyances établies, et cela en apportant une religion étrangère chez un peuple habitué à ne rien accepter du dehors. Il entravait l’organisation intérieure de l’état en appelant les adeptes dans des monastères, en instituant le célibat des religieux, qui faisait subitement cesser la famille. Or, le respect des ancêtres, cette grande vertu des Chinois, qui représente dans les individus le culte de l’antiquité, sur lequel s’appuie l’état tout entier, se trouvait par là méconnu. Les apôtres du bouddhisme durent donc rencontrer une opposition redoutable dans le céleste empire, dont ils choquaient à la fois les institutions et les préjugés ; mais il y avait au fond de leurs doctrines des vérités et des erreurs qui séduisaient les cœurs et les esprits. Remarquons, à ce propos, que les trois dernières religions prêchées dans le monde, celles qui se sont le plus répandues parmi les hommes, ne sont point des croyances locales, à la différence de celles auxquelles elles se sont substituées. Elles ont un caractère particulier : le prosélytisme. Au commencement des siècles, les peuples, séparés les uns des autres, s’enfermaient dans la tradition ; chaque nation, se croyant supérieure à toute autre, se cantonnait dans ses dogmes sans chercher, le plus souvent, à les répandre au dehors, si ce n’est quand la conquête assimilait le vaincu au vainqueur. Ce fut donc une ère nouvelle pour le monde, celle où la prédication essaya de réunir sous une même loi des populations ennemies, d’introduire dans une société toute faite un élément inconnu. Cet esprit de prosélytisme qui témoigne de la vie du christianisme, que Mahomet transforma en propagande