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la barbarie. Le sage, alarmé des symptômes d’une décadence facile à prévoir, voulut faire revivre les lois anciennes, espérant par là ramener la nation à sa jeunesse, à son âge d’or. C’était une illusion sans doute ; il essaya de régénérer la chose publique en prêchant un retour sincère aux antiques vertus. Les lettrés, ses disciples, ont donc aussi regardé la tradition comme le talisman qui préside aux destine de l’empire, et les ouvrages canoniques comme les livres sibyllins qu’il faut à tout prix conserver dans le temple. En cela, ils n’ont fait que suivre fidèlement les préceptes et partager les convictions de leur maître.

Confucius tenta donc une réforme sans être lui-même un novateur ; si on relève de lui dans les écoles, c’est qu’il formula d’une façon plus précise cette doctrine dont il se montra le plus zélé, le plus persévérant défenseur. Dans le cercle complet de ses travaux, il embrassa et resserra, comme une gerbe dans son lien, les trois branches de l’étude chez tous les peuples : l’histoire, la philosophie, la poésie. C’est toujours au passé qu’il s’adresse ; il disparaît et s’efface derrière son œuvre de reconstruction. Sa chronique du petit royaume de Lou (dans lequel il était né) ne ressemble point aux livres historiques des autres pays orientaux ; les faits y sont moins rapportés dans leur ensemble que discutés froidement un à un. L’auteur ne les expose que pour en développer avec une impartialité rigoureuse les causes et les effets ; avant tout, il veut en tirer l’enseignement, la moralité. Dans ses écrits philosophiques, il n’établit ni système, ni théorie qui lui soient propres ; il commente les textes, il ravive les dogmes et les croyances ; il apprend à l’homme à s’étudier soi-même, aux hommes à se rapprocher les uns des autres ; il trace de nouveau la ligne des devoirs qui commençait à s’effacer. Le Livre des Vers, recueil d’odes attribuées à des empereurs, à des princes, de chansons populaires particulières aux divers états de la monarchie fédérative, que le moraliste a rassemblées, couronnent son œuvre. Présenter ainsi sous leur forme la plus vivante, la plus capable de se graver dans l’esprit, les souvenirs des temps passés, n’était-ce pas populariser l’histoire, multiplier les exemples offerts par les siècles antérieurs, et les remettre sous les yeux d’une nation qui les oublie ou les dédaigne ? Le Livre des Vers, ce sont les rites en action. Les rites eux-mêmes, avec tout ce qui regarde les mœurs, les usages, les fêtes, les cérémonies, les plus petites circonstances de la vie privée, furent aussi l’objet d’une étude spéciale de la part de Confucius ; il les consigna dans son Li-king. Cet ouvrage, dont nous possédons à peine la moitié, représente la société