Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour se continuer jusqu’à nos jours. Ici, les efforts de l’industrie, l’agriculture, les travaux d’assèchement entrepris par des princes persévérans qui ont foi dans l’avenir ; là, les invasions, les guerres incessantes, l’instinct de la destruction hostile à tout ce qui veut s’élever. Dès que les deux nations sorties d’une même souche se mettent à suivre cette première impulsion qui les éloigne l’une de l’autre, il y a entre elles un antagonisme qu’on retrouvera à toutes les phases de leur existence. Les Tartares proprement dits refusent le joug des lois et s’obstinent à errer sur les plateaux de la Haute-Asie ; leur époque n’est pas venue encore. Les tribus qui se soumettent de gré ou de force à l’empire chinois forment un peuple compact, homogène, uni bientôt par la conformité des mœurs et du langage. Les cent familles, en s’implantant sur un sol parfois rebelle, poussent au loin leurs racines fécondes. Les petits états, gouvernés par des princes feudataires qui relèvent du monarque souverain, sont autant de foyers d’où les lumières rayonnent à l’entour. Malgré les troubles intérieurs qui agitent cette monarchie féodale, la nationalité chinoise se développe et s’affermit. Les hordes qui habitent le littoral et les provinces méridionales du futur empire courbent la tête l’une après l’autre et s’assimilent aux vainqueurs ; l’action civilisatrice se fait sentir tout entière du dedans au dehors.

Cependant les tribus tartares qui tendaient à s’avancer vers des climats plus hospitaliers, arrêtées dans leur élan, se divisent et se retirent en partie vers l’ouest. Le céleste empire, qui veut s’isoler, qui s’entoure de murailles comme une seule ville, afin de mieux tracer la ligne de démarcation entre ses plaines fertiles et les steppes menaçantes, ne pourra empêcher ces nations refoulées là où tant de races se heurtent et se rencontrent, au milieu même du courant des migrations, d’exercer un jour sur lui une réaction puissante. Tantôt poussée par l’esprit de conquête, attirée par des agressions multipliées jusqu’aux bords de la mer Caspienne, la Chine, étend sa domination bien au-delà de ses limites naturelles ; tantôt humiliée par les peuples qu’elle a subjugués ou maintenus depuis des siècles, elle est en proie aux invasions et disparaît un instant sous le flot qui l’inonde. Elle se relève, il est vrai ; mais au milieu de ces vicissitudes, de ces révolutions, sa nationalité s’altère, un élément nouveau pénètre cette société déjà usée.

L’histoire des peuples anciens, même de ceux dont les annales ont été écrites et recueillies avec un soin intelligent, se perd toujours ’à son origine dans des fables plus ou moins obscures ; il y a un point où