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démocratique des Hellènes. Dans la Pologne enfin les institutions que la Grèce étend au peuple entier, comme l’armatolis, la gérousie, les démogéronties, se trouvent concentrées sur la noblesse seule. On aurait tort d’expliquer par un instinct de tyrannie la tendance au monopole qui se remarque chez les nobles hongrois et polonais. Toute noblesse slave est instinctivement portée à l’égalité et à la démocratie ; mais les invasions allemandes du moyen-âge, en important dans ces contrées gréco-slaves le rite latin et les mœurs germaniques, firent une obligation à ceux qui avaient adopté ces mœurs de tracer une ligne de séparation haineuse entre eux et les autres classes du peuple restées fidèles aux anciennes lois. L’oppression des indigènes devint ainsi durant des siècles presque une condition d’existence pour toutes les aristocraties latines du monde gréco-slave. Cet état devait durer jusqu’au jour, à peine encore éclos, où la civilisation latine, en proclamant aux risques de l’anarchie la séparation de l’état et de l’église, a rendu enfin possible la cohabitation sur le pied d’égalité de divers cultes dans un même pays.

Nous l’avons dit, des mœurs politiques communes unissent toutes ces nations que leurs rites séparent. Toutes envisagent de la même manière la royauté, l’organisation électorale, la responsabilité des mandataires et des magistrats, le contrôle à exercer sur l’administration, l’autonomie ou l’indépendance intérieure des communes. Quant au principe aristocratique, le seul qui établisse entre elles une différence, l’histoire prouve qu’il est étranger originairement aux Gréco-Slaves ; il est dû à l’influence latine et germanique, qui, en s’infiltrant chez ces peuples à la fois enthousiastes et sensuels, a fait dégénérer leur culte pour les capacités morales en un culte matériel pour les droits du sang et de la propriété. On peut remarquer toutefois qu’en se faisant aristocratiques, les sociétés de Hongrie et de Pologne ont gardé le principe fondamental des démocraties gréco-slaves, qui est l’égalité de toutes les familles de la nation ; elles se sont constamment refusées à admettre la hiérarchie féodale. En donnant pour base à leurs codes cet axiome, qu’aucune famille, à moins d’être royale, ne peut prétendre à des privilèges, mais que toutes sont égales devant le pays, les Gréco-Slaves établissent naturellement entre les diverses familles de chaque commune la même solidarité fraternelle que celle qui unit les uns aux autres les divers membres de chaque famille particulière. Les communes deviennent de cette manière autant de familles collectives dont l’ensemble compose la grande famille de l’état. En résumé, on trouve chez ces peuples l’état solidaire de l’église,