Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sinon nécessaire, au moins très utile au maintien de la nationalité grecque, tant qu’elle ne sera pas sortie de la position dangereuse et transitoire où elle se trouve aujourd’hui.

L’ancien principe occidental, que toute justice émane du roi, ne fut jamais celui des Gréco-Slaves ; pour eux, l’administration de la justice a un caractère purement national. Aussi le roi Othon, qui voulait, dans ses amendemens à la charte, rétablir l’axiome romain, a-t-il éprouvé un refus de la part du congrès, et n’a-t-il pu obtenir que cette déclaration : Le soin de la justice est confié au monarque, mais elle est administrée par les tribunaux du pays. La police est en outre faite par les communes, et aux frais des démarchies (conseils municipaux). Les chorophilaques (mot que les journaux français traduisent à tort par celui de gendarmes) ne sont que les gardiens champêtres ou communaux de la sécurité publique[1]. Toute maison privée est inviolable, et ne peut être visitée par les employés de l’état, sans que la loi les y autorise spécialement. Le gouvernement ne peut dans aucun cas confisquer les biens de famille (γενηχη δημευσις) d’un coupable, même traître à la patrie. Cette disposition repose sur l’idée tout orientale que l’héritage du γενος de la famille est sacré comme la famille même, que Dieu seul peut l’éteindre, et que, tant qu’elle existe, son héritage doit se transmettre intact de génération en génération. Le secret des lettres ne peut sous aucun prétexte être violé ; la liberté de la presse ne peut subir aucunes restrictions ; les gérans ou éditeurs de journaux ne sont point tenus au cautionnement ; ils doivent seulement être citoyens grecs. Enfin, le jury ou le jugement du peuple peut seul prononcer sur les abus de la presse. Ne semble-t-il pas voir percer dans la plupart de ces dispositions l’intention secrète dont furent constamment animés les Hellènes de rivaliser de civilisation avec l’Occident, et de faire, s’ils pouvaient, mieux que l’Occident lui-même ? Nous allons voir toutefois que cet antagonisme n’a pas été poussé jusqu’où il pouvait l’être.

Aux yeux des Gréco-Slaves, le pouvoir suprême est un et indivisible, il réside dans l’idée même de la nationalité. Quant à l’exercice de ce pouvoir, il est confié au roi et à la diète, qui jouissent l’un et l’autre d’une puissance égale, sous la surveillance du pays. Le roi de Grèce partage donc le droit de faire les lois avec l’assemblée délibérante (Βουλευτχη συνοδος) ; mais cette assemblée co-souveraine, qui

  1. Une espèce de gendarmerie royale vient, à la vérité, d’être établie en Grèce ; mais son rôle restera, on l’espère, uniquement politique.