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sueurs ? Comment croire qu’il emploie son autorité sur sa progéniture à un autre but qu’à la rendre vertueuse ? L’autorité légale du père, chez les Gréco-Slaves, a si bien pour but la conservation, au sein du foyer, des lois sacrées de la nature et de l’église, que si l’immoralité, la maladie ou la vieillesse empêchent un père d’accomplir ce devoir, il perd par là même l’autorité domestique, que la famille réunie transporte alors d’un commun accord sur une autre tête.

Le pouvoir royal chez les Gréco-Slaves est de la même nature que le pouvoir paternel. Les dénominations les plus usitées pour désigner le souverain, comme hospodar et sultan, signifient seulement un chef de famille. Ainsi Otman est regardé comme le père des Ottomans parce qu’il fut leur premier roi, et tous se disent issus de lui, comme les Maronites se disent issus de Maron, les Juifs de Jacob, et les Arabes d’Ismaël. Nos idées romaines de légitimité exposées devant un Gréco-Slave le feraient sourire, il ne saurait comprendre que nos aïeux aient attaché au mot de roi le sens latin de rex, rectus, père de la justice, règle du droit. Pour une tribu orientale, la seule règle du droit, c’est la volonté de tous ; pour elle, le pouvoir suprême, n’étant qu’une délégation de l’autorité paternelle, implique avant tout le sacrifice de soi-même aux intérêts de la race. Les sujets d’un prince gréco-slave doivent être tous plus ou moins ses enfans : un prince qui, comme le sultan, n’a de commun avec ses sujets ni le sang, ni l’adoption nationale, ni la croyance religieuse, perd tout droit à les commander ; il peut être leur maître par la force de l’épée, mais il n’est pas leur souverain. Le seul moyen offert à ce maître étranger pour légitimer son autorité, c’est de gagner à sa cause un certain nombre de chefs ou de conseils de tribus qui, étant souverains de droit, l’entourent en quelque sorte de leur puissance sacrée. Il en résulte une monarchie fédérale, mais chaque tribu n’en reste pas moins toujours autonome, c’est-à-dire souveraine sur son sol, dans ses foyers et dans ses temples. Telle est la base gouvernementale des pays gréco-slaves.

La Hongrie offre dans son état actuel un des types les plus parfaits de cette organisation. Divisée en plusieurs royaumes et principautés sous une couronne unique, elle laisse chacune de ses provinces s’administrer par des lois et des magistrats de son choix, sans autre obligation que celle de se conformer pour la politique extérieure aux décisions de la diète générale, où siègent et votent avec la plus complète liberté les représentans des diverses nations associées. C’est dans Homère qu’il faut chercher l’idée primitive qui a présidé à la formation de ce système. Le type des états gréco-slaves est cette amphictyonie