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Et quand il résisterait, quand le prêtre vaincrait le père, quand il accomplirait toutes les œuvres du sacerdoce, je craindrais encore qu’il n’en conservât pas l’esprit. Non, il y a dans le plus saint mariage, il y a dans la femme et dans la famille quelque chose de mol et d’énervant qui brise le fer et fléchit l’acier. Le plus ferme cœur y perd quelque chose de soi. C’était plus qu’un homme, ce n’est plus qu’un homme. Il dira comme Jésus, quand la femme a touché ses vêtemens : Je sens qu’une vertu est sortie de moi.

« Et cette poésie de la solitude, ces mâles voluptés de l’abstinence, cette plénitude de charité et de vie où l’ame embrasse Dieu et le monde, ne croyez pas qu’elle subsiste entière au lit conjugal. Sans doute, il y a aussi une émotion pieuse quand on se réveille et qu’on voit, d’une part, le petit berceau de ses enfans, et sur l’oreiller, à côté de soi, la chère et respectable tête de leur mère endormie ; mais que sont devenus les méditations solitaires, les rêves mystérieux, les sublimes orages où combattaient en nous Dieu et l’homme ? Celui qui n’a jamais veillé dans les pleurs, qui n’a jamais trempé son lit de larmes, celui-là ne vous tonnait pas, ô puissances célestes ! (Goethe, Wilhem Meister.) C’était fait du christianisme, si l’église, amollie et prosaïsée dans le mariage, se matérialisait dans l’hérédité féodale. Le sel de la terre s’évanouissait, et tout était dit. Dès-lors, plus de force intérieure, ni d’élan au ciel. Jamais une telle église n’aurait soulevé la voûte du chœur de Cologne, ni la flèche de Strasbourg ; elle n’aurait enfanté ni l’ame de saint Bernard, ni le pénétrant génie de saint Thomas. »


Nous ne prétendons point mettre ici M. Michelet en contradiction avec lui-même. Si nous avions une difficulté à élever contre cette belle explication du célibat ecclésiastique, ce serait seulement que M. Michelet en exagère un peu trop les avantages et le lie trop étroitement avec les destinées de l’église. M. Michelet va jusqu’à dire que le salut du christianisme est attaché au maintien du célibat ecclésiastique ; mais cette exagération même nous éclaire sur le but que poursuit M. Michelet, quand il réclame aujourd’hui avec énergie l’abolition du célibat.

Ce n’est pas seulement, en effet, parce qu’il n’a pas de famille, et qu’il dirige les ames au moyen de la confession, que le prêtre catholique est un être essentiellement pernicieux, c’est parce qu’il enseigne dans le temple à nos mères, à nos femmes, à nos enfans des dogmes auxquels notre siècle ne croit plus ; c’est parce qu’il répand ainsi au sein de la famille un esprit de mort, tandis que l’homme, l’époux, est animé d’un esprit de vie qu’il essaie en vain de faire pénétrer parmi les siens.

Par conséquent, tant que le prêtre enseignera la religion catholique, tant qu’il sera revêtu du caractère de ministre de l’autel et