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expressément du prêtre en général, du prêtre catholique dans l’exercice normal de son ministère. Les prêtres, dit M. Michelet sans restriction et sans réserve, les prêtres, voilà nos ennemis.

Ainsi donc, le principe de l’anarchie spirituelle et morale de la famille et de la société, la plaie des temps modernes, c’est le prêtre. Pourquoi le saint ministère, autrefois si utile et si fécond, est-il devenu une institution pernicieuse ? C’est d’abord que le sacerdoce catholique est fondé sur une double immoralité, le célibat des prêtres et la confusion. Suivant M. Michelet, le célibat ecclésiastique est une institution contre nature qui rend le prêtre nécessairement malheureux, envieux et malfaisant. La confession ouvre à cet homme qui n’a pas de famille la porte de la famille d’autrui. Elle lui livre l’ame de la mère, et qui possède l’ame a bientôt tout le reste. Maître de la mère, le prêtre met la main sur les enfans, et quant au chef de la maison, s’il ne le peut gagner, il l’isole du moins, et de toutes façons il le remplace. « Le confesseur d’une jeune femme, dit M. Michelet, peut se définir hardiment l’envieux du mari et son ennemi secret. S’il en est un qui fasse exception à ceci (et je veux bien le croire), c’est un héros, un saint, un martyr, un homme au-dessus de l’homme. »

Ce n’est point là une hyperbole comme il en échappe à un écrivain plein d’imagination et de feu. A la fin de son ouvrage, M. Michelet donne à ses pensées sur le sacerdoce catholique le caractère d’une formule générale. 1° Tout prêtre, même saint, qui parle à une femme, même sainte, de l’amour de Dieu, lui inspire un autre amour ; 2° si cet amour reste pur, c’est un hasard, c’est un miracle. Ailleurs, sous une forme trop peu grave, M. Michelet définit la direction de la sorte : « Chez la petite fille, c’est l’amour avant l’amour ; chez la vieille femme, c’est l’amour après l’amour. »

Ainsi, cette affreuse plaie de la société moderne, l’anarchie spirituelle au foyer domestique, est l’ouvrage du prêtre, dont l’influence essentiellement malfaisante s’explique par cette double cause, que le prêtre est le directeur spirituel des familles, et que lui-même n’en a pas. Si c’est là le mal, où est le remède ? Évidemment c’est d’ôter au prêtre toute action sur la famille, c’est de rendre à l’époux la direction spirituelle, la direction morale et religieuse de la femme et de l’enfant. M. Michelet n’hésite pas à proposer ouvertement de chasser le prêtre de la famille comme mesure préliminaire ; mais il est loin d’avoir dit son dernier mot. Si je ne me trompe, cet esprit si vif et si fin tiendrait à injure qu’on réduisît son livre à un simple manifeste contre le célibat ecclésiastique et la confession. Sur ces deux points, Luther au