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d’Arc et décrit d’un si ferme pinceau la lutte de Louis XI et de Charles-le-Téméraire est celle d’un grand artiste et d’un éminent historien.

L’hommage sincère que nous venons de rendre à M. Michelet nous donne toute liberté pour nous expliquer sur son livre, et, ce qui est plus important que ce livre même, sur la tendance qui s’y fait sentir. Nous le dirons nettement dès le début, sans vaines précautions et sans réticence : ce livre, quel que soit son mérite littéraire, si graves et si réels que soient les abus que l’on y dénonce, tant d’esprit, de piquante érudition, de véhémence éloquente que l’auteur y ait jetés ; ce livre, considéré dans son fonds et pour ainsi dire d’un œil de philosophe, contient de nombreuses et capitales erreurs. Je dis plus, il est fait pour imprimer aux esprits une direction nouvelle et dangereuse, pour substituer à la défense légitime l’attaque violente, pleine à la fois de passion et de faiblesse, et à la critique large, équitable, solide, des institutions religieuses, la haine aveugle de ces institutions en attendant leur renversement ; en un mot à l’esprit du XIXe siècle, tel que l’ont fait quarante années de travaux et de progrès, l’esprit autrefois fécond, aujourd’hui stérile et déplorable d’un siècle qui n’est plus. C’est pour maintenir et affermir, autant qu’il est en nous, le véritable esprit de la critique des institutions religieuses au XIXe siècle que nous prenons la plume, même au risque de déplaire à nos amis, même au risque de paraître fournir des armes à nos adversaires. Mais non, la raison publique est forte : elle saura comprendre et discerner, et fera tourner les dissentimens loyaux des amis de la philosophie au profit de la grande et sainte cause dont ils veulent tous, quoique par des moyens différens, assurer le triomphe.


I

Dès le début de son livre, M. Michelet nous introduit dans la famille, telle qu’elle est au XIXe siècle, et nous pénétrons avec lui au plus intime, au plus secret du foyer domestique ; c’est là qu’il découvre et nous montre jusque dans sa source le mal qui ronge la société moderne. Ce mal, quel est-il ? C’est le divorce spirituel du chef de la famille et de sa compagne, en d’autres termes, l’opposition flagrante, radicale, profonde de leurs idées morales et religieuses. Pour que la vie sociale soit régulière, il faut que la vie domestique soit organisée fortement ; or, le vrai principe d’organisation de la vie domestique,