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de consolation offert pour adoucir le regret d’une séparation prochaine. Et quant à ceux qui verront dans ces paroles une atteinte à la liberté parlementaire, on peut être sûr qu’ils en garderont rancune au cabinet.

Le ministère semble arrivé à un point où il ne lui est plus permis de faire un pas sans faire une faute, et sans compliquer de plus en plus les difficultés de sa position. Depuis la réunion des chambres, c’est-à-dire, depuis vingt jours à peine, que de fausses démarches il a faites ! que d’imprudences il a commises ! Ne parlons que de sa conduite parlementaire ; n’est-ce pas une faute grave d’avoir donné au discours de la couronne ce ton provocateur qui a blessé le sentiment des chambres ? n’est-ce pas une faute d’avoir repoussé la candidature de l’honorable M. Dupin à la présidence ? n’est-ce pas encore une faute d’avoir invoqué ouvertement le secours de la couronne pour rallier la majorité ? Mais une faute plus grave que toutes les autres, une faute qui tient du vertige, et dont les conséquences pourront être fatales au cabinet, c’est le déchaînement d’une polémique, pour ainsi dire officielle, contre d’anciens ministres que le pays honore, que l’estime publique environne, que leur modération semblait devoir soustraire à toutes les attaques ; dont le seul tort, enfin, était de condamner silencieusement la politique ministérielle et de rencontrer de vives sympathies dans l’opinion. Ces hommes ont été abreuvés d’outrages. Leur caractère a été indignement calomnié. Chose inouie ! les mots d’intrigue et de coalition ont été prononcés contre eux ! Les rôles ont été intervertis ; les dates ont été confondues. Suivant l’énergique expression d’un noble pair, les martyrs de 1839 ont été accusés du crime de leurs bourreaux.

Si de pareilles violences devaient soulever quelque part une vive réprobation, c’était surtout à la chambre des pairs, où siègent les hommes d’état ainsi calomniés par l’organe le plus accrédité du ministère. Pour la noble chambre, c’était une affaire qui intéressait directement ses affections et son honneur. Aussi, depuis plusieurs jours, la polémique ministérielle était sévèrement blâmée dans les réunions de la pairie. On demandait une réponse éclatante à ces imprudentes et injurieuses provocations. M. le comte Molé était le plus directement frappé ; c’était lui que l’opinion désignait pour faire cette réponse. Le noble pair ne s’est point fait attendre. Il a pris le premier la parole dans la discussion de l’adresse. Il a accepté le débat sur le terrain brûlant où on l’avait amené.

On parle d’intrigue et de coalition ! Où sommes-nous donc ? Qui vient donc réveiller de fâcheux souvenirs ? où est la défection ? où sont les traîtres ? où sont ceux qui foulent aux pieds les maximes de toute leur vie, qui préconisent, dans un intérêt d’ambition, les doctrines qu’ils ont toujours combattue ? Non. L’opposition qui menace en ce moment le ministère n’est pas une intrigue. Nous ne sommes pas en 1839 ; la majorité n’est pas trahie ; la défection ne s’est pas glissée dans ses rangs. Des conservateurs attaquent, il est vrai, le ministère ; mais dans quel but, par quels moyens ? Les voit-on