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Aristophane n’est pas seulement l’esprit le plus vif et le plus gai, l’imagination la plus gracieuse et la plus bouffonne ; dans ses farces immortelles, on retrouve sans cesse le citoyen, on sent battre un cœur résolu et qui sait bien ce qu’il veut. Ce n’est pas lui que feraient dévier à chaque ligne les caprices de la plume. Au contraire, malgré quelques pages composées nettement, c’est là le défaut du poème que je viens d’analyser. Ce défaut, je le sais, est quelquefois une grace chez le dilettante aimable : soit ; mais il faut renoncer alors à l’influence que M. Heine se promet d’une façon si hautaine. Celui qu’un souffle emporte comme une feuille légère, que deviendra-t-il pendant la tempête ? M. Heine est un des plus charmans poètes de l’Allemagne, un de ses plus brillans esprits ; il sera un écrivain politique le jour où les muses de son pays pourront lui accorder ce témoignage que l’auteur des Oiseaux se rend à lui-même dans ses anapestes : « Si quelqu’un des vieux poètes comiques avait voulu nous obliger à réciter ses vers sur le théâtre, il ne l’eût pas obtenu de nous facilement ; mais celui-ci mérite que nous fassions cela pour lui, car il déteste les mêmes choses que nous, il ne craint pas de dire ce qu’il croit juste, et, d’un cœur courageux, il marche contre les vents et les orages. »


SAINT-RENÉ TAILLANDIER.