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donc la France ne profiterait-elle pas de ses avantages sur une nation turbulente, qui toujours a été l’ame des révoltes et des trahisons des populations voisines contre la colonie ? En quoi la civilisation et la morale seraient-elles blessées par l’emploi de règlemens sévères qui tiendront en respect les peuplades arabes, ennemies irréconciliables de notre domination en Afrique ? La commission s’abuse, quand elle croit que les Maures sentiront le besoin de conserver avec nous des relations qui peuvent agrandir leur richesse et leur puissance. Le caractère arabe n’a pas, pour ses intérêts, ces calculs d’une civilisation plus haute qui font taire les haines religieuses et politiques. Avant la fondation de nos comptoirs, les Maures étaient les maîtres du Sénégal, et les noirs, courbés sous un joug de fer, n’achetaient une tranquillité précaire que parle sacrifice d’une partie de leurs récoltes et de leurs captifs. L’apparition des blancs sur la côte rendit encore plus cruel le sort déjà si triste des tribus ; et tant que dura la traite, les Maures redoublèrent leurs exactions pour se procurer les captifs qu’ils vendaient à Saint-Louis. Ce n’est, à bien dire, qu’à dater de 1817, quand son intérêt l’y a forcée, que la France s’est déclarée protectrice des noirs, dont elle espérait tirer parti pour ses projets de colonisation. Jusqu’alors, les Arabes avaient supporté les chrétiens, qui se contentaient de commercer et d’acheter des esclaves ; dès qu’ils virent les essais de culture sur le territoire de la rive gauche, ils sentirent leur influence leur échapper. Ils prirent les armes et furent vaincus, mais ils restèrent hostiles à tout établissement durable qui aurait pour effet de rallier les nègres. La vie nomade des Maures, leur amour pour le désert, la stérilité de leur pays, les rendent insensibles aux bienfaits de la civilisation, et cette nation est le seul obstacle que la France ait à écarter si elle veut profiter des ressources de la contrée.

Nous croyons que le privilège seul, mais le privilège établi de manière à concilier la plupart des intérêts, peut assurer à la colonie la prospérité commerciale et la tranquillité sans laquelle tout autre progrès est impossible. Nous partageons aussi le sentiment des hommes qui conseillaient la pratique de l’association durant quelques années seulement et jusqu’à la fin de la crise. Des nécessités impérieuses indiquent cette marche comme la plus sage : délivrer les traitans de leurs dettes, opposer une digue à la libre concurrence, rendre à la population indigène la sécurité nécessaire à la conservation des sentimens d’affection et de dévouement qu’elle porte à la métropole, tels étaient les motifs qui firent regarder, par les défenseurs de l’association, comme indispensable, l’abandon passager du système de liberté dont le principe, suivi rigoureusement au Sénégal, menait droit à un abîme. Les chambres de commerce, consultées, demandèrent des mesures exceptionnelles, sauf la place du Hâvre, qui se prononça pour l’application immédiate du principe de la concurrence ; Bordeaux et Marseille préférèrent le compromis ; Nantes, l’association. La réponse des ports de France est remarquable : ce sont eux qui d’abord se sont élevés contre l’association ; dès