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qu’en 1840, et la libre concurrence prévalut en réalité sur les règlemens de l’administration.

À la fin de 1841, les traitans se trouvaient débiteurs envers les négocians de Saint-Louis d’une somme de 2,250,000 francs. Les malheureux possédaient à Guett’ndar une chétive case, une ou deux embarcations et quelques esclaves. N’ayant aucun moyen de se libérer avec leurs créanciers, tous rapports avaient cessé entre eux et les marchands. Le commerce des gommes se trouvait donc arrêté de fait, puisqu’il a lieu par l’intermédiaire des traitans, et que ceux-ci refusaient de se livrer à de nouvelles spéculations qui ne devaient qu’aggraver leur position. De leur côté, les marchands, pour avancer aux indigènes les guinées nécessaires aux échanges, demandaient au gouverneur de leur assurer la rentrée de leurs créances, au moins en partie. Le problème n’était pas facile à résoudre : l’administration devait chercher une transaction qui, sans ruiner les indigènes et tout en leur donnant la facilité de recommencer de nouvelles affaires, leur permît de se libérer graduellement de leurs dettes. Il fallait d’autant plus se hâter, que l’époque de la traite arrivait, et qu’à la suite des rigueurs employées par des négocians qui avaient ordonné des saisies, des expropriations et des emprisonnemens, la population indigène, ulcérée, se disposait à émigrer hors du territoire de Saint-Louis pour se mettre à l’abri des poursuites des blancs. M. Pageot-Desnoutières, chef du service administratif de la colonie, adressa au ministère de la marine le plan d’une association. Le 9 février 1842, une ordonnance royale investit le gouverneur du Sénégal du pouvoir de prendre des mesures pour encourager les opérations du commerce et pour favoriser ses progrès, et de régler le mode, les conditions et la durée des opérations commerciales avec les peuples de l’intérieur de l’Afrique. À cette ordonnance était joint l’envoi du projet de M. Pageot-Desnoutières, approuvé par le gouvernement. L’acte d’association fut aussitôt soumis aux délibérations du conseil général de la colonie et du conseil de l’administration, qui, après l’avoir discuté article par article, se montrèrent particulièrement disposés à étendre l’application du principe de privilège, regardé, cette fois encore, comme l’unique remède propre à satisfaire les intérêts généraux et particuliers, ainsi qu’à guérir les blessures que la libre concurrence avait causées.

Le 16 avril de la même année parut l’arrêté du gouvernement qui, par les discussions animées dont il fut l’objet dans les ports de France, amena la formation de la commission chargée d’examiner la situation du Sénégal et les ordonnances les plus favorables au commerce du fleuve. L’acte du 16 avril fondait à Saint-Louis une société spéciale dont le privilège fut strictement restreint à la traite de la gomme aux escales. Il était interdit non-seulement à la société, mais à chacun de ses membres, de prendre part aux échanges des autres produits du Sénégal ou de la gomme ailleurs qu’aux escales, sous peine de la confiscation des marchandises et d’une amende triple de la valeur, qui devait également frapper et les violateurs du privilège de la compagnie