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graines arachides à Marseille, qui en tire une huile de très bonne qualité. Sans doute le gouvernement ne négligera rien pour augmenter cette nouvelle source de bénéfices, et finira par débarrasser le commerce des entraves que les autorités anglaises suscitent aux navires français à l’entrée de la rivière.

L’on a dû remarquer que les établissemens français en Afrique sont éloignés les uns des autres, et pour ainsi dire perdus au milieu de populations d’origines et de mœurs différentes. Il importe de bien connaître les tribus qui possèdent les contrées arrosées par le Sénégal ; il importe aussi d’examiner l’état de la population française et européenne en présence de ces farouches voisins. C’est par leur intermédiaire que se fait tout le commerce de la colonie. L’étude des mœurs a donc ici plus qu’un attrait pittoresque, elle a aussi une incontestable utilité. — La population de Saint-Louis et des établissemens français au Sénégal se compose de blancs, d’indigènes libres, noirs ou mulâtres, de nègres engagés à temps, et d’esclaves ou captifs. La population blanche, formée exclusivement de négocians européens, s’élevait, en 1838, à 140 individus dont 123 à Saint-Louis et 17 à Gorée. Les indigènes libres sont ou des gens de couleur issus du mélange des deux races blanche et noire, ou des nègres purs. Ces derniers, pour la plupart musulmans, ont conservé les mœurs et les usages de l’Afrique ; ils se livrent à la navigation du fleuve et au cabotage sur les côtes, dans les rivières de Salum, de Cazamance et de la Gambie. Les noirs libres ou esclaves, qui servent ainsi comme matelots ou patrons de barques, se nomment laptots ; ce sont de braves et fidèles marins. Le nombre des indigènes libres est de 5,712, partagés ainsi : 3,950 à Saint-Louis, 775 à Guett’ndar, et 987 à Gorée. Il y a encore à Saint-Louis une population flottante, composée d’indigènes des nations voisines qui viennent se réfugier sous le pavillon français, lors des guerres qui éclatent si souvent dans l’intérieur, ou qui sont attirés dans notre établissement par les relations commerciales. Cette population varie de 1,200 à 1,500 individus.

Il n’existe dans la colonie aucun préjugé de caste ; les fonctionnaires civils de Saint-Louis et de Gorée sont tous des gens de couleur ; le clergé lui-même compte dans son sein des noirs et des mulâtres. L’esclavage et le commerce des captifs règnent cependant chez tous les peuples qui entourent les comptoirs français. Les communications forcées de la colonie avec ces populations placent donc le Sénégal, relativement à l’abolition de la traite, dans des conditions toutes différentes de celles où se trouvent nos colonies d’Amérique ; en outre, les essais de culture, suivis, de 1818 à 1830, sous la protection du gouvernement, ont exigé, à cet égard, des dispositions particulières, d’autant plus que les habitations agricoles furent toutes fondées à quarante lieues de Saint-Louis, dans le Walo, pays qui est le foyer de l’esclavage. Pour venir en aide aux colons sans blesser les principes d’humanité nouvellement proclamés, l’administration créa, d’après l’exemple de l’Angleterre,