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s’adressa aux hommes modérés, et on commit les fautes inséparables de la faiblesse. Si le parti libéral s’était exalté, il aurait engagé une lutte violente, et comme l’indignation n’était pas dans les masses, il aurait succombé encore, et cette fois dans un massacre. On ne fait pas de la terreur à froid ; la vraie terreur, celle qui triomphe, n’est que l’acte d’un gouvernement fort qui calme des fureurs populaires en se chargeant lui-même de la vengeance.

Des démonstrations publiques et point de sociétés secrètes, tel devrait être le mot de ralliement des Italiens : puisqu’on ne saurait calculer à priori les chances d’une insurrection, puisque le libéralisme italien, isolé du gouvernement, ne peut pas conspirer ; enfin, puisque les conspirations démocratiques sont impossibles, il faut renoncer à tourmenter la nation par des menées occultes. Les associations secrètes ont été assez funestes au libéralisme italien : elles l’ont isolé du peuple, détaché de la bourgeoisie où il devait trouver sa force ; elles ont rapproché les personnes sans développer les principes, fortifié les haines sans développer les convictions. Elles ont favorisé les intrigues, fondé des projets d’insurrection sur de déplorables malentendus, multiplié des illusions funestes sur les dispositions du pays. La politique libérale a été pervertie, elle est devenue toute personnelle. Les hommes élevés au sein des ventes ne voyaient dans les échecs de la révolution que les fautes de quelques individus le carbonarisme, en déroute, imputait ses malheurs aux hommes et aux circonstances. Le chef de la jeune Italie érigeait cette erreur en théorie, et il attribuait toutes les défaites à l’inaptitude des chefs des insurrections italiennes ; puis, quand on s’apercevait que les émeutes factices et les insurrections artificielles, élaborées dans les comités, n’avaient pu entraîner les peuples, on était encore à se poser ce problème : comment soulèverons-nous les masses ? problème faux, problème insoluble, car les masses, nous le répétons, doivent se soulever d’elles-mêmes, choisir leurs chefs, les créer. Bientôt de nouvelles erreurs succédaient aux premières. Les uns cherchaient dans le martyre un moyen d’apitoyer le peuple en faveur de la révolution, les autres songeaient à préparer l’insurrection ab ovo dans les salles d’asile ; d’autres encore cherchaient à découvrir une théorie ingénieuse pour obtenir l’indépendance de l’Italie sans livrer aucun combat ; quelques-uns enfin se rapprochaient des gouvernemens, et, pour rester sur le terrain de la politique, ils devenaient anti-révolutionnaires.

Les sociétés secrètes, forcées de s’entourer de mystères, ont été impuissantes même à flétrir les apostasies et vaincre les conspirations