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italiens ne ferme-t-elle pas toutes les voies à l’opposition légale ? Les pétitions de Bologne et d’Ancône en 1832 étaient couvertes par des milliers de signatures ; on ne demandait au pape que l’accomplissement des promesses qu’il avait faites aux cinq cours. Que répondait-il ? Il excommuniait les signataires. D’un autre côté, s’il s’agit d’une insurrection, quelle est la municipalité italienne qui puisse prendre l’initiative ? Il n’y a ni juntes, ni parlemens, ni universités, rien en Italie qui se dérobe à la force de l’absolutisme ; le système austro-italien a placé ses hommes partout. Une insurrection d’ailleurs ne peut être délibérée froidement, et la discussion ici devient inutile. Il est désormais avéré que les mouvemens préparés dans les sociétés secrètes échouent sur la place publique ; en France, ils ont échoué contre Napoléon, contre la restauration, contre le gouvernement actuel ; en Italie, ils ont échoué d’abord contre la France, ensuite contre l’Autriche et contre les gouvernemens italiens. Jadis les sociétés secrètes pouvaient atteindre un but : elles se formaient au sein de nations qui, par un vice de leur organisation sociale, se trouvaient à la merci de quelques individus. Des affidés placés auprès des ministres, des princes et des rois, pouvaient changer la marche des affaires au profit d’une association invisible. Que peuvent aujourd’hui les sociétés secrètes, s’il s’agit de créer une volonté dans les masses, et comment y parviendraient-elles sans la publicité ? Les vraies insurrections sont des actes naturels, spontanés, irrésistibles ; si elles ne se propagent pas par le télégraphe, elles ne résistent pas devant une armée : ce ne sont que des coups de main. Aussi, lorsque le carbonarisme se trouva maître de Naples, du Piémont en 1821, et de la Romagne en 1831, il fut tout étonné de se voir pour la première fois au grand jour et en face du danger. Se trouvant encore à l’état de secte isolée au milieu du peuple, il succomba bientôt. Les libéraux, se méprenant sur la cause de leur défaite, reprochèrent à leurs chefs d’avoir manqué d’énergie, et on parla d’employer à une première occasion tous les moyens de la terreur. Ils oubliaient qu’ils avaient dû se cacher dans les ventes, et que le secret même de leur association supposait la faiblesse de leur parti. Or un parti faible qui arrive au pouvoir est condamné à choisir entre l’extrême modération ou l’extrême violence. Dans le premier cas, il se laisse attaquer, entamer, détruire ; dans le second, il va provoquer lui-même cette lutte où il doit succomber. Le parti de 1821 et 1831 était un parti faible, un parti secret. Pressés de se montrer immédiatement supérieurs aux chefs des anciens gouvernemens, les libéraux choisirent l’alternative de la modération ; on