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du royaume d’Italie, des généraux nommés par Murat, des administrateurs presque français. L’influence de la presse française est si forte en Italie, qu’elle se joue des censures, pénètre partout, contrecarre la littérature italienne, la remplace dans la politique, la supplante dans l’opinion. La langue italienne en souffre et se corrompt. On conçoit que les écrivains de la péninsule résistent ; mais en dépit de leurs invectives, la presse parisienne dirige l’opinion libérale de l’Italie en exerçant une fascination qui ne s’explique que par la puissance des idées. D’ailleurs les évènemens de la révolution et la situation de l’Europe rattachent le mouvement du libéralisme italien au mouvement politique de la France. En 1840, les manifestations anti-françaises des puissances européennes, les coups de canon tirés à Saint-Jean-d’Acre et à Beyrouth, provoquaient une conspiration anti-autrichienne parmi les marins italiens de l’amiral Bandiera, et l’Autriche, en voyant l’effet produit par le traité du 15 juillet sur les Italiens, a acquis la conscience de l’impossibilité où elle se trouve de renouveler avec succès les guerres de la sainte-alliance.

Que dirons-nous des fédéralistes d’outre-monts ? C’est à peine s’il s’en trouve parmi les chefs du parti libéral ; l’absolutisme italien est au contraire essentiellement fédéraliste. Le premier acte de la restauration a été de rétablir les anciennes lois dans toutes les provinces et de réveiller les animosités locales. L’Autriche, qui n’est pas prodigue, doublait volontairement les frais d’administration en séparant les deux gouvernemens de Venise et de Milan, et plus tard elle créait une sorte de demi-capitale à Vérone, en y transportant le quartier-général de l’armée. Le pape, à son tour, rendait à toutes ses provinces, leurs règlemens exceptionnels. Le fédéralisme se réduit à l’amour de l’indépendance renfermé dans les limites des petites localités : cet amour peut-il résister aux séductions de la liberté ? Non, certes ; c’est la liberté qui forme les nationalités, et plus le parti libéral sera fort, plus forte aussi sera la centralisation italienne. On nous objectera les mouvemens fédéralistes de 1797, de 1821 et de 1831 ce serait mal comprendre la révolution italienne. Fédéraliste pour s’arracher à la domination absolutiste de Rome, de Naples et de Turin ; fédéraliste par nécessité en 1831, parce qu’elle craignait de violer la non-intervention, la révolution a cédé sans combat devant Napoléon, qui a pu étendre à son gré le royaume d’Italie jusqu’à Ancône.

Reste à savoir s’il faut préférer les soulèvemens aux moyens pacifiques : des deux côtés, l’alternative est terrible. Peut-on chasser l’Autriche par des moyens pacifiques ? La situation violente des gouvernemens