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l’Italie, mais les princes italiens. Ce projet avait été mis en avant par le cardinal Orsini, par les sanfédistes d’avant 1821, et par Ch. Botta ; comment pourrait-il trouver faveur chez les libéraux italiens ? Les libéraux se soulèvent contre les princes, et on leur propose tout simplement de se soulever en faveur des princes ! D’ailleurs, n’est-ce pas l’absolutisme italien qui invoque le secours de l’Autriche ? n’est-ce pas la théocratie nationale qui appelle la gendarmerie impériale pour protéger son inquisition ? Espère-t-on que la démocratie veuille se battre pour défendre les inquisiteurs ? Les inquisiteurs le désirent-ils ? Voudraient-ils le permettre ? Non, l’indépendance italienne n’a pas de sexes hors des traditions du directoire et de Napoléon.

Si les moyens sans les principes ne peuvent soulever les masses, les principes sans les moyens sont des armes également impuissantes. M. Mazzini s’appuyait sur les principes et proclamait la liberté pour entraîner le peuple. Il oubliait malheureusement qu’il n’est de liberté durable que celle qui correspond aux vrais besoins des masses. En 1797, on appelait le peuple à la liberté : l’a-t-il acceptée ? « Qu’on ne s’exagère pas, écrivait Napoléon en 1797, l’influence des prétendus patriotes cisalpins et génois, et que l’on se convainque bien que, si nous retirons d’un coup de sifflet notre influence morale et militaire, tous ces prétendus patriotes seront égorgés par le peuple. » Deux ans plus tard, on a retiré l’influence militaire de la France, et la prédiction de Napoléon s’accomplissait à la lettre ; c’était le peuple qui ne voulait pas d’un gouvernement populaire, car il se trouvait moins libre, c’est-à-dire plus chargé d’impôts sous un gouvernement qui imposait la guerre que sous l’absolutisme, qui ne décimait que les libéraux.

Si on ne soulève les masses ni au nom de l’indépendance ni au nom des principes républicains, faut-il se tourner vers la France ? La question aujourd’hui semble irritante si on songe aux évènemens de 1831, et elle paraît bien déplacée si on tient compte de la marche actuelle du gouvernement français. Cependant il y a des influences morales qui s’exercent en dehors des difficultés politiques, et ce sont ces influences que l’Italie ne doit pas chercher à combattre. La France a fait beaucoup pour le libéralisme italien, le parti révolutionnaire s’est développé sous le pavillon français ; il adoptait au XVIIIe siècle les réformes des encyclopédistes ; il était constitué légalement par le directoire ; l’idée de l’unité italienne lui a été octroyée par Napoléon, et, le jour où l’Italie s’est séparée de la France, elle a vu indéfiniment ajourné l’avènement de l’ère constitutionnelle. D’ailleurs quels sont les hommes qui ont joué le premier rôle en 1821 et même en 1831 ? Des hommes