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au lieu de parler de Grégoire VII, qu’on nous parle de Grégoire XVI ; au lieu de rappeler les anciens guelfes, qu’on nous entretienne des exploits de Ruffo, Pallotta, Rivarola, Albani ; au lieu d’invoquer les souvenirs de la ligue lombarde, occupons-nous des sanfédistes, des volontaires, de l’inquisition, du prix courant auquel se vend la justice dans les États Romains, de la banqueroute imminente dans les finances du souverain pontife. Et si M. Balbo voulait parler des espérances de l’Italie, pourquoi réduire le problème politique de la péninsule aux proportions mesquines de la cour de Turin ? Pourquoi laisser dans l’ombre la situation de Naples, de Rome, de Modène, des quatre Légations ? S’il voulait enfin combattre l’Autriche, pourquoi se borne-t-il à une rivalité de province et à de vulgaires détails sur les croix du mérite civil, tandis qu’il s’agissait d’un fait immense, terrible, de cette domination autrichienne qui s’impose aux princes comme aux peuples, contient sans bruit 23 millions d’hommes depuis trente ans, et dissipe les révoltes militaires de Naples, du Piémont, l’insurrection civique de la Romagne, avec moins d’efforts qu’il n’en faut ailleurs pour venir à bout du moindre rassemblement ? L’Autriche, n’est-ce pas l’étranger ? si elle limite le despotisme italien, n’est-ce pas pour le fortifier ? n’a-t-elle pas manqué au rôle modérateur que lui avait confié la sainte alliance ? n’a-t-elle pas appuyé à Modène, à Rome, à Naples, en Piémont, des cruautés, des abus judiciaires qu’elle proscrit dans ses propres états ? Il n’était pas difficile de signaler les tristes effets de la domination étrangère en Italie. Malheureusement M. Balbo s’est mis au point de vue guelfe plutôt qu’au point de vue national, et il a trouvé moyen d’avoir tort, même à l’égard de l’Autriche. Au-delà de M. Balbo, qui continue à son insu Botta et la tradition piémontaise, il n’y a plus que les ultras, le parti jésuitique, en un mot ceux qui, comme M. l’abbé Gioberti, reproduisent les déclamations anti-françaises du comte Galliani, envenimées cette fois par une tendance sanfédiste très prononcée.

Deux poètes, M. Nicolini, de Florence, et un anonyme toscan représentent une nouvelle réaction démocratique et religieuse contre les néo-guelfes et les néo-gibelins. Le poète anonyme écrit en dialecte toscan (très légère nuance de l’italien). Ses vers ont fait le tour de l’Italie copiés à la plume ; dernièrement la presse s’en est emparée, et le recueil des satires toscanes vient de paraître à Lugano[1]. Le

  1. Poesie italiane tratte da una stampa a penna senza licenza de superiori ; Italia, 1844.